21 Le Flambeau - 06

planche suspendue au plafond par deux fils de fer à ses bouts. Personne n'occupait maintenant le local, les quatre "arpian" étant déjà montés au dortoir, au-dessous du toit, pour la courte sieste avant la traite de l' après– midi. Au lieu de monter lui aussi au "trapei", Jean-Christophe prit son mantelet noir et il sortit. Il voulait rester seui. La présence des autres le ra– menait trop souvent à la réalité et aujourd'hui il n'en avait vraiment au– cune envie. Il grimpa sur la butte qui surmonte le magasin des fontines d'où il éloigna les trois veaux qui l' avaient précédé. Le petit berger se coucha sur l 'herbe sèche et dure et ce contact avec la terre lui procura une sensation de bien-etre qu'il n'avait jamais éprouvé. Ce sol si familier semblait le protéger et le réconforter. Jean-Christophe le tatonna longtemps en un muet colloque, puis il se redressa. Assis, les coudes appuyés sur ses ge– noux et soutenant des mains sa tete, il parcourut de l'ceille paysage im– mobile qui l'environnait. En face de lui, la Becca France, montrait sa paroi écroulée au fond de laquelle d' énormes amas d' éboulis s'entremelaient à la foret qui avait re– pris à avancer. De cette imposante masse jaunatre suintaient, par endroits, des ruisselets d' eau bientot bue par cette terre aride. Cela créait des taches plus obscures qui rompaient la monotonie de la paroi uniforme. Plus loin, au ras du sommet de la Becca France, s'étendait le vaste plateau luisant du Rutor avec ses glaciers qui étincelaient au soleil. À gauche, vers le sud, s'élevait majestueuse la pyramide de la Grivola qui étalait à son pied le puissant glacier aux crevasses béantes. Tout à coup, du coté de Croix de Chaligne, des sifflements prolon– gés, aussitot répercutés par les rochers, rompirent le silence alourdissant qui pesait comme une chape et détoumèrent le berger de son tour d'hori– zon. Jean-Christophe se touma pour observer de ce coté-là. Une deuxiè– me marmotte répondit à ces premiers cris d' alarme, puis une autre encore plus au loin. Le petit scruta les sentiers qui serpentaient sur la cote de Chaligne, plate et grisonnante sous ce soleil blafard. - "ça, doit etre quelque excursionniste qui descend du Mont Falère! - se dit-il.- Il y en a toujours dans cette saison!"- En fouillant de ses yeux exercés les sentiers, il découvrit un mulet qui descendait, saccadant son chargement. Le muletier le suivait de quelques pas, tandis que son chien rodait hors du sentier, ayant peut-etre flairé une marmotte. Jean-Christophe les accompagna du regard jusqu 'à ce qu 'ils péné– trèrent sous les arbres de la foret. - "Ils descendent à la plaine - chuchota le berger - Ah, bon mulet, si tu pouvais me porter sur ton dosjusqu'à mon village! Comme je vou– drais revoir maman! C'est deux mois que je suis loin d'elle! Lorsque 86

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