21 Le Flambeau - 06

demain tu vas revenir, tiens, amène-moi maman avec toi! Dis-lui au moins que je l' attends, que chaque jour c'est à elle que je pense avant de m'endormir". Le "cit" croisa ses bras sur les genoux et il s 'y appuya. La pente herbeuse fuyait raide au-dessous de lui, puis elle disparaissait dans le saut qui, invisible d'ici, descendaitjusqu'à la Doire, deux mille mètres plus bas. Son regard frola la foret de sapins sombres, tachetée des plaques plus vertes des mélèzes, et descendit le long de l'arete où les arbres formaient une dentelure bizarre contre l'azur du ciel. Jean-Christophe parcourut avec l'imagination le sentier qui conduisait à la plaine, puis il remonta l'autre versant pour arriverà son petit village, perché coquettement sur un mamelon de la colline. -"Mais pourquoi- se dit-il- dois-je continuerà penserà ma maison? Bien des choses ont changé depuis lors. Maman a décroché du "peillo" la photographie de papa lorsqu'il était partisan, cette photographie prise quelques mois avant sa mort. Et puis maintenant il y a cet autre "papa" qui est venu habiter chez nous. Maman n'aurait point dG se remarier. Si elle avait besoin de quelqu 'un pour l'aider, il y avait bien moi qui pouvais le faire ... Je suis grand désormais... Ah, j'ai bien peur qu'elle ne m'aime plus, à cause de cet autre surtout... Elle n'a plus les memes égards envers moi... ; elle n'a plus les memes caresses ni ce doux sourire depuis qu'elle me le partage avec l'autre... Ah, papa, papa si tu y étais encore! Comme nous étions heureux lorsque tu me faisais chevaucher sur ton dos!. .. Maman, elle, souriait contente de nous voir ainsi et elle nous baisait tous les deux sur le front. Maintenant ses baisers ne sont plus que pour l'autre... J'ai toujours envie de pleurer, tu sais papa; oui, je sens que ce n'est plus la meme chose! Pourquoi maman n'est-elle pas encore venue me trouver en montagne? ... Pourtant elle me l' avait promis, avant que je parte. Ah, maman... maman... !" - Entre-temps, le petit berger s'était enveloppé dans sa manteline et il s'était allongé sur le sol. Il sentait ses paupières se fermer, alourdies par une grande pesanteur, mais ne voulant pas dormir illutta contre ce som– meil qui apaisait cependant ses pensées. Il se souvint encore de ses cama– rades, de son village; maman lui revenait à la mémoire. Puis il y eut un instant de sombre... puis des courses dans les prés, à la recherche des nids... - "Il y en avait un de merle dans cette touffe de noisetier, au Prà– nou, dans la pièce de l'oncle Gaspard..."- il se disait. - "Je crois que mon cousin Joel a suivi la nichée des merles et qu'il m'en a gardé un, comme nous étions d'accord! Dès que je serai à la mai– son, je le lui demanderai et je mettrai mon merle dans la cage que papa avait construite. Je l'appellerai Soufflefort et je lui apprendrai à répondre à mes appels".- 87

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