21 Le Flambeau - 06

-- -- ----- --- di et le marché sur la place Chanoux le confirme bien. Pourtant ça doit etre un jour de fete. Ils sont tous endimanchés". En pensant à cela, il re– gardait ses pauvres vetements, souillés de boue et sentant aigre, et il en avait un peu honte. Il accélera le pas pour sortir de la ville où il ne se sen– tait pas à san aise. Beauregard, le Chateau, Veynes; puis la montée se fit plus raide. Le petit berger marchait maintenant à grande allure. Le paysage lui était fa– milier et il connaissait tous les détours du chemin muletier dont il em– pruntait les raccourcis. Il marchait depuis bientot six heures, mais il ne ressentait aucune fatigue. Les longues courses derrière le troupeau avaient fortifié ses jambes et ses poumons, entralnés désormais aux longues marches. Mais il était poussé, surtout, par le désir d'arriver et d'embrasser sa mère. - "Je suis presque arrivé. Ce carré blanc, là-haut, c'est l'oratoire. J'y suis!". Il s'y arreta et se signa, camme grand-mère lui avait appris. De là, il dominait la vallée centrale. La Doire serpentait à ses pieds, six cents mètres plus bas, après avoir traversé la plaine d'Aoste. Le soleil avait baissé et les ombres s'allongeaient, plongeant dans le gris le coté ouest des vallons. Sur le cirque majestueux des montagnes, les névés et les glaciers se teintaient de rose. - "Là, c'est la Croix de Chaligne. C'~st là derrière mon alpage! Si j'étais oiseau, ça aurait été beaucoup moins long! Mais c'est fini; je suis arrivé. Dois-je attendre la nuit pour entrer au village? Je ne voudrais pas que mes amis me voient. Il me semble déjà les entendre crier "L'at portà de pèdze! L'at portà de pèdze!". Je sais bien qu'il ne faudrait pas quitter le service à l'alpage avant le temps. Eux qui passent l' été ici ne connais– sent pas "lo ma de meison", la nostalgie de la famille qui nous prend. Tant pis! J'y vais". San cceur battait de plus en plus fort sur le bref parcours à plat qui le séparait des premières maisons du village. Personne dans la rue ni aux fe– netres. Tant mieux. Et voilà, près de la fontaine et du vieux four à pain, sa maison. D 'un band, il sauta les quatre marches qui conduisaient au palier. Il s'arreta soudainement. - "Que dira maman? Et si elle n'était pas contente de me voir? Elle me grondera, peut-etre. Personne ne m'a vu; je peux encore rebrousser chemin; c'est plus sage que je m'en aille!" Il frappa à la porte. Silence. Il appuya sur le loquet et il poussa la por– te. Personne. - "Où peut-elle etre? Je vois qu 'elle a déjà soupé". Soudain, de la chambre lui parvinrent des vagissements. Il s 'y dirigea. Dans son lit, celui que grand-père avait fait expressément pour lui, il vit un bébé. - "Ah! maman m' avait dit que j 'aurais eu un petit frère, mais je ne croyais pas que...". Il fut détoumé de ses pensées par le bruit des pas qui mon- 89

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