22 Le Flambeau - 12
-Il se retrouvait en territoire interdit et pouvait fort bien étre tué à coups de flèches pour cela. -Mais tant qu'il restait sur sa piste, il trouvait toujours cles gens qui partageaient le méme réve ? Qui étaient en fait ses frères ? -Oui. -Et qui lui devaient l'hospitalité ? -Et vice versa. - Ainsi le chant est une sorte de passeport et de ticket- repas ? - En théorie du moins, la totalité de l'Australie pouvait étre lue camme une partition musicale. Il n'y avait pratique ment pas de rochers, pas de rivière dans le pays qui ne pou vait étre ou n'avait pas été chanté. On devrait peut-étre se re présenter les Song lines sous la forme d'un plat de spaghettis composés de plusieurs Iliades et de plusieurs Odyssées en tremélées en tous sens, dans lequel chaque épisode pouvait recevoir une interprétation d'ordre géologique. " Mon grand-père valdotain, Louis Vuillermet, a pris l'iti néraire bien connu, bien tracé, vers la France, il est parti de Mascognaz en mars. Mes grands oncles Michel et Henri sont partis vers l'Australie dans les années 1890, à quinze ans. L'un Henri est rentré, il s'est occupé de ses s�urs, a recueilli l'enfant de l'une, a vécu avec l'autre et il aurait été prét à adopter les huit enfants de son frère mort en France, il par lait anglais et il lisait cles livres en anglais, c'est tout ce qui lui était resté de son grand voyage. L'autre est parti travailler dans une mine d'or et on a perdu sa trace. Soit il n'a pas re trouvé le chemin du retour, soit il n'avait pas envie de reve nir, soit il est mort. Décembre 2012, à mon tour, je pars enAustralie, je cherche son chant cles pistes, son livre oublié, au fond de moi, dans les immensités australiennes, dans les mines d'or, d'opale, dans les ports et les musées d'immigration, je cherche sa voix lointaine. On dit que les Aborigènes gardent en mémoire tous les iti néraires chantés et leurs sites sacrés mais parfois, eux aussi,
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