22 Le Flambeau - 12

Mais quand il arriva en France et il entra au Collège d'Au­ tun, à l'age de neuf ans et demi, il ne parlait que le corse et tous ses can1arades se moquaient de lui. Son professeur, l'Abbé Chardon, note toutefois que ce jenne " sombre et pensif " se promenant toujours seul et pré­ férant les livres aux jeux de son age, apprit en trois mois le français, au point de faire librement la conversation et meme de petits thèmes et de petites versions "· Je commençais à me demander où mon maitre allait bien dénicher toutes ces informations, mais avant de le lui de­ mander je fis encore un essai: " Maìtre, mais les parents de Napoléon ne pouvaient-ils pas l'aider à mieux supporter sa situation ? " " Il y pensa lui-meme en envoyant à son père, depuis l'École militaire de Brienne, où il était entré en 1779, une lettre accorée (je l'ai étudiée par coeur tellement elle est bien batie) "· Et là, encore une fois, Sabin se mit à réciter avec élégance: " Eh ! quoi, Monsieur, votre fils serait continuellement le plastron de quelques nobles paltoquets, qui, fiers des plaisirs qu'ils se donnent, insultent en souriant aux privations que j'éprouve! Non, mon père, non, si la fortune se refuse absolu­ ment à l'amélioration de mon sort, arrachez-moi de Brienne: donnez-moi, s'il le faut, un état mécanique i que je vaie des égaux autour de moi, je saurai bientòt etre leur supérieur i à ces offres jugez de mon désespoir i mais, je le répète, j'aime mieux etre le premier d'une fabrique que l'artiste dédaigné d'une académie. Rappelez-moi près de vous, je suis las d'affi­ cher l'indigence et d'en voir sourire d'insolents écoliers, qui n'ont que leur fortune au-dessus de moi, car il n'en est pas un qui ne soit à cent piques au-dessous des nobles sentiments qui m'animent! " Il s'arreta un moment, puis plutòt pensif il déclara: "Je ne sais pas pourquoi je me suis embarqué à parler si longuement de Napoléon: c'est un personnage si complexe qu'on ne peut pas trouver des raccourcis i il devient meme compliqué d'en parler de peur d'oublier quelques détails ou de développer certains aspects au détriment des autres "·