Contesse Marie Victoire de Challant-Solaro

- 23 - couvnr l'infortunée dame d ' injures et d'outrages. Elle ne put, même à prix d' argent, obtenir quelque soulagement pour elle, ses enfants et sa compagnie. - Seules les su­ rexcitations populaires peuvent expliquer de semblables dé­ tails. - La comtesse tint bon et se maîtrisa tant qu'elle se trouva en face de ces pauvres égarés ; mais éloignée qu'elle en fut, elle en pleura amèrement, pour se limiter cepen­ dant à dire au bon paysan qui l 'accompagnait, ces simples paroles : « Voyez, mon cher ami, ce qu'il me faut souffrir aujourd' hui ! Mais que dis-je ; c'est mon doux Jésus qui daigne bien me visiter et me faire participante de ses affiic­ tions. » Notons que seule l ' idée fixe que le comte avait vendu le pays aux Français peut expliquer semblable exaspéra­ tion dans ces villageois. Or, cette idée avait pris à ce point que quand, vingt ans après, l ' abbé Bréan narre ces faits, il accumule encore arguments sur arguments pour dé­ truire ce préjugé. �'idée fixe de nos campagnards d'alors était que le comte de Challant, loin de fuir devant ce grave danger commun aurait dû, au contraire, s'y opposer ouvertement en se mettant à la tête d ' une armée, si mesquine fût-elle, qu 'il aurait organisée parmi ses gens. - Le comte, avait compris non seulement l' inutilité mais les funestes et désas­ treuses conséquences de cette démarche ; de là son évasion , que cenx-là ne savaient autrement expliquer qu'en y voyant une monstrueuse trahison ; de là encore leur suprême dépit. * * * Le bon villageois accompagnant la sainte dame était de Chamois et la conduisait chez lui. Arrivée au terme d ' un voyage d 'environ quatre heures, par les routes rocailleuses ·et raides que l 'on connaît, les nobles fuyards purent enfin se reposer et respirer en s'abri­ tant dans une pauvre maisonnette.

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