Histoires d'eau actes de la conférence annuelle sur l'activité scientifique du Centre d'études francoprovençales Saint-Nicolas, 15-16 décembre 2001 Rosito Champrétavy

La force cachée de l'eau pour "savoir bien des choses", il n'osa pas refuser la piace. Durant l'hiver, il eut bien vite repris ses forces, mais avant de partir, le printemps suivant, il alla consulter un onde qui avait longtemps été fromager à l'alpage de Tortin et qui avait la réputation de connaztre les contrepoids, soit les mesures à prendre contre les mals donnés et contre la sorcellerie. (Sur, que e ' était un homme intelligent qui en savait plus que d'autres). Celui-ci demanda donc au jeune homme de tout lui raconter ce qu'il avaitfait pendant l'été passé, sans omettre le plus petit détail, nourriture, travail, incidents, tout ! Puis il dit à son neveu : "Tu n'asfais qu'une erreur, tu as trempé ton pain dans l'eau du torrent. Le torrent a emporté toute la farce du pain. Prends cette fois-ci un gobelet, puise l'eau du torrent, mets-y tremper ton pain, mais bois l'eau aussi. " Le Nendard a fait camme son onde avait dit. Cette fois-ci le berger était si fort que le Ridderan dut l'implorer de lui laisser au moins quelques brebis de moindre qualité ». La problématique du récit m'était complètement inconnue. Néanmoins, il m'a été relativement aisé d'en trouver et noter des versions plus ou moins sem­ blables dans les régions de Nendaz, Salvan, Riddes et Isérables. Toutes sont très proches les unes des autres ; tous les conteurs avaient entendu le récit d'un parent ou lors d'une veillée chez des voisins. Ailleurs en Valais toute recherche est restée vaine. Les recueils de técits valaisans publiés restaient égàlement muets, à l'exception des "Sagen aus demUnterwallis" de J. Jegerlehner, qui recè­ lent un récit qui met en scène un berger salvanin qui est allé se faire embaucher en Savoie. La similitude de l'histoire se borne toutefois à la première épisode, le berger se payant la seconde année en tuant des brebis. Jegèrlehner qui donne généralement ses sources (il ne notait que très peu de récits lui-meme, il collec­ tionnait surtout ceux que des instituteurs voulaient bien lui transcrire) n'en indique aucune, et le récit est absolument invraisemblable dans sa deuxième partie, du moins pour quiconque connait un peu le système des alpages. Rien non plus dans les recueils valdòtains ou savoyards à ma disposition. Il apparaitrait clone que l'eau courante s'approprie la force des aliments qu'on y trempe imprudemment. Mes enquetes m'avaient déjà révélé que d'autre part, sorte cl'eau lustrale, l'eau sert à enlever le gout, le poison ou l'amertume, tous indésirables, dans des denrées destinées à la consommation humaine. Il s'agit notanunent du goiìt du 'sauvage' qui caractérise la viande du gibier, en l'occurrence la viande des carnassiers. En effet, quelques chasseurs consomment la viande des renards et de certains petits carnassiers. La mise en saumure ne leur semble pas suffisante pour éliminer 'le sauvage' et ils ont l'habitude de vider et dépouiller soigneusement la bete abattue, de l'enfermer dans un sac de tissu très la.che et de l'attacher pour au moins 48 heures dans un cours d'eau, rarement dans le bassin d'une fontaine à fort débit. Pour les chats, plus petits, moins sauvages, il parait que la mise en civet suffit pour vous mettre en présen- 175

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