Histoires d'eau actes de la conférence annuelle sur l'activité scientifique du Centre d'études francoprovençales Saint-Nicolas, 15-16 décembre 2001 Rosito Champrétavy
Histoires d'eau ce d'un bon repas de lapin... Les vieilles poules, si on se résignait à les manger, étaient mises au moins deux jours dans une fontaine 'pour enlever le sale'. Une informatrice se souvenait que sa mère mettait tremper les alises plusieurs jours dans la fontaines, pour enlever le poison, avant de les ajouter à la pate à pain. D'après un ancien employé d'alpage la mise à l'eau courante de la viande d'une bete 'dérochée' en été, ne permettrait toutefois pas de la conserver consommable plus longtemps que quelques jours, méme si l'eau coulant à proximité du glacier était très froide. Il semblerait clone que l'eau exerce un role purificateur mais ne pourrait empécher une contamination ultérieure. En discutant d'un essai de conservation entrepris à l'alpage, un prétre valaisan me faisait remarquer que l'eau lustrale du baptème efface tout péché antérieur, méme le péché origine!, mais ne protège nullement des péchés futurs. Que l'abord des cours d'eau et des lacs ou gouilles aient toujours représenté un danger pour les enfants est indubitable et on leur en a partout interdit l'accès. Mais quelle pouvait étre la raison pour laquelle les habitants des régions de montagne du Valais défendaient à leurs enfants de jouer avec ou dans l'eau cou rante, si petite soit elle, si ce n'est qu'elle leur tirerait les forces ? Les enfants et jeunes gens des villages de la plaine du Rhone, qui aimaient barboter ou nager dans l'eau ne se risquaient que dans les eaux stagnantes, mares ou étang, répu tées inoffensives, contrairement aux eaux courantes. Les attestations que j'ai encore pu recueillir au milieu du siècle passé mentionnaient, dans leur grande majorité, qu'il ne s'agissait pas d'éviter l'eau sensiblement plus froide des tor rents, voire du Rhone, ni d'éviter les vagues et l'impétuosité du courant, mais de ne pas se livrer à l'action pernicieuse de l'eau courante. Un informateur, né en 1931; se souvient avoir souffert d'une sévère congestion après avoir joué avec l'eau du bisse lorsque, jeune enfant, son père l'avait emmené irriguer ses prés. Et pourtant, affirmait-il, l'eau n' était pas froide et il ne s' était mouillé que les mains. En 1946, une femme très agée aux mains complètement déformées par un rhumatisme invalidant, me disait que l'eau du torrent et de la fontaine lui avait tiré la farce des os des mains, car ayant eu de nombreux enfants. elle avait diì laver presque tous les jours. Jadis, camme dans bien des villages de montagne, la seule possibilité de laver le linge était de s'agenouiller au bord d'un torrent ou ruisseau, parfois méme au bord d'un bisse, vu qu'il fallait préserver l'eau des bassins de fontaìne pour l'abreuvage et qu'on n'a connu que fort tard les bas sins-lavoirs. Aucune femme enceinte n'aurait osé y laver du linge, de crainte que l'eau courante n'emporte le poupon, camme elle tirerait le lait de toute femme allai tante. Nombreuses étaient les filles aillées, nièces ou sceurs qui devaient se char ger de laver le linge de la famille, et surtout les langes des puinés, lorsque une mère allaitait ou attendait un bébé, ce qui pouvait s'enchainer des années durant. Difficile de savoir si cette farce maléfique de l'eau courante qu'on lui attri buait, lui était inhérente ou l'effet d'étres mystérieux et invisibles qui s'y 176
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