Histoires d'eau actes de la conférence annuelle sur l'activité scientifique du Centre d'études francoprovençales Saint-Nicolas, 15-16 décembre 2001 Rosito Champrétavy

Aux sources de l'irrigation : statuts et règlements des consortages de bisses en Valais de céréales en prés. Cependant, des tensions sont sensibles entre éleveurs et agriculteurs au sujet de la mise en valeur du sol, et surtout à propos des dégàts provoqués par les bestiaux sur les cultures6• La deuxième solution est la recherche d e nouveaux pàturages. C'est le cas surtbut pour les prairies d'altitude : parfois on n'hésite pas à dépasser les frontières du territoire paroissial pour trouver de nouveaux alpages7• Parallèlement, on assiste à la réglementation de l'accès aux pàturages de mon­ tagne. Il est par exemple courant de limiter le nombre de vaches qu'un p roprié­ taire peut « alper » au nombre de celles qu'il est capable de nourrir en hiver. L'irrigation représente la troisième solution. Les prairies de fauche en Valais nécessitent, pour etre productives, un arrosage relativement important, vu le climat de la région8, ce qui n'est habituellement pas le cas pour les céréales. Les paysans qui élèvent du bétail voudront user de l'irrigation à plus grande échelle et plus intensivement. Cette volonté se traduit sur le terrain par le très sensible développement du réseau des bisses dès le début du xv· siècle. On constate non seulement que le nombre des constructions de bisses augmen­ te, mais aussi que ces entreprises nécessitent, de la part des constructeurs, des moyens considérables, de l'audace, du savoir-faire et du courage. C'est de cette période que datent les bisses les plus importants, présents encore aujourd'hui dans le paysage valaisan, à l'état de vestiges ou toujours utilisés. Pour le Valais romand, on peut cn rclever quelques-uns : bisses de Savièse (construit dès 1430), de Vollèges (1434), d'Hérémence (1440), d'Ayent (1448), de Lens (1448), de Vex (1453 et 1476), du Levron (1465), d'Orsières (1471). La multiplication des constructions de bisses dès le début du xv· siècle n'est donc pas un hasard et elle peut s'expliquer à la lumière de l'évolution économique et agricole du Valais de cette époque et des nouveaux besoins des éleveurs. Vu l'importance grandissante de l'irrigation, de nouveaux enjeux lui seront directement liés. Comme on l'a vu, les ùuvrages d'adduction d'eau sont plus longs et donc plus chers. Il requièrent des moyens financiers et des inves­ tissements considérables en temps et en travail. Le bisse joue aussi un ròle éco­ nomique essentiel et, dans une certaine mesure, nouveau, particulièrement pour les éleveurs de bovins qui y ont un intéret direct. L'organisation de l'irri­ gation se còmplexifie et pousse les usagers des bisses à s'associer et à proposer des solutions pour la gestion de la ressource. L'entente à l'intérieur: de consor­ tages d'irrigation ou entre les cotnmunautés voisines est dès lors un élément essentiel de cette pratique. Finalement, le système d'irrigation a aussi un impact direct sur la vie quotidienne des paysans : organisation de la journée, de la saison, rapports entre les usagers ou tensions sociales autour de l'eau sont autant d'éléments liés directement au bisse et à ses nouveaux enjeux. Une conséquence directe et tangible du développement du système d'ir­ rigation - et c'est là le point essentiel de cette communication - est la produc­ tion d'un nouveau type d e documents : les statuts et règlements de l'irrigation. 21

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