Histoires d'eau actes de la conférence annuelle sur l'activité scientifique du Centre d'études francoprovençales Saint-Nicolas, 15-16 décembre 2001 Rosito Champrétavy
L'historien sourcier. A la recherche de l'eau dans les comptes des chàtelains savoyards bief du moulin de Sembrancher, abimé « par un déluge de pluie et par le dégel de la terre gelée »35• En automne 1420, on répare le bief d'un moulin d'Orsières, rempli de terre et de pierres « qui avaient été amenées par des éboulements descendant des montagnes et provoqués par l'abondance des pluies en temps d'automne >>36• Cette capacité d'explication est confirmée par d'autres textes, écrits eux aussi dans le pays, mais par des personnes dotées d'un bagage culturel supé rieur. Chargé en 1 467 de défendre Françoise Bonvin, une veuve de Chermignon (Valais centrai) accusée d'etre une « sorcière », le juriste sédu nois Heyno am Troyen, un homme pragmatique et de culture moyenne, réfu te les aveux de Pérette Trotta, qui accuse Françoise de faire partie comme elle d'une secte hérétique. Il écrit ceci : « Pérette a déposé quef lors d'une réunion, ils ont provoqué une inondation au temps où la neige fondait dans les montagnes ». Puis il ironise : « lorsque la neige fond dans les montagnes, le terrain s'effondre, des pierres et de la terre tombent dans les lits des tor rents; une fois remplis, ces lits se rompent tout naturellement et non par l'reuvre du diable »37• Dans une chronique, un auteur culturellement compa rable à Heyno écrit que, le 7 aoùt 1469, « il y a eu, à cause des vents mari times chauds, un tel afflux d'eau provenant des glaciers, en particulier du c6té méridional du pays, que le Rh6ne a grossi au point d'emporter tous les ponts jusqu'au lac de Lausanne »38• D'ordinaire paisible, le bisse peut devenir un redoutable destructeur. Ceux qui l'exploitent le savent bien et prennent leurs précautions39• Cela ne suffit pas toujours. En 1419-1420, dans la patoisse d'Orsières, Colet Copt et ses c onsorts du nouveau bisse de Sous-la-Lex paient au chàtel ain d'Entremont un florin et demi d'amende « parce que, à cause de ce bisse et de l'eau qu'ils y font couler, une partie de deux prés appartenant à Jean et Jean Pellet, frères, a été détruite »40• En 1422-1423, Jacques Theytaz, parois sien d'Orsières, paie au chàtelain d'Entremont une amende de 13 deniers et une obole de gros « parce que, en raison de l'arrosage qu'il faisait, des pierres parties de son mur situé à c6té du pré de Jacques Casoul sont tombées dans le pré de ce dernier »41• En 1436-1437, sept hommes de Liddes paient ensemble 18 deniers de gros pour « avoir détruit la possession de Jean Boven ». Tout à la suite dans le compte, on lit que ce Jean Boven a versé 9 deniers gros d'amende, pour « avoir rompu le ru (rivus) ou bisse des hommes susmentionnés, contre leur volonté »42 ; on ne saurait exclure un acte de vengeance. Eaux de vie Pace à l'eau de mort, qui punit en détruisant et en tuant, coule l'eau de vie, ressource indispensable pour les plantes, les betes et les humains. Je considère ici deux facettes de ce visage de l'eau, toutes deux liées à l'alimen tation humaine : la boisson et la peche. 59
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