Histoires d'eau actes de la conférence annuelle sur l'activité scientifique du Centre d'études francoprovençales Saint-Nicolas, 15-16 décembre 2001 Rosito Champrétavy
Histoires d'eau De l'eau pour les humains Dans son traité De sanitatis custodia, le médecin Giacomo Albini, attaché dans la première moitié du XIV• siècle à la cour de Jacques de Savoie-Acha'ie, décrit les vertus et les défauts de différentes catégories d'eau. Pour lui, « celles qui viennent de la neige ou de la glace sonJ toutes mauvaises, comme le sont les eaux stagnantes et çelles des lagunes »43 ! Ne sachant évidemment rien de cette mise en garde, les vivants qui hantent les Alpes ne boivent que cette eau ! Je me concentrerai ici sur les humains. L'eau consommée par les humains n'a guère d'occasions d'apparaitre, en tant que telle, dans les comptes des chatelains savoyards. On ne l'y rencontre qu'au maigre menu des détenus. En 1345-1346, dans la chatellenie de Saxon Entremont, Guigone Grugoda est indument intervenue dans les biens de son défunt mari et s 'e.st remariée sans en avoir rendu compte à ses enfants. Ce double méfait lui vaut une amende de 25 sous, que sa pauvreté l'empeche de payer. Elle doit clone accepter la propositiòn qu'on lui fait de passer six jours en prison au pain et à l'eau44• C'est aussi « au pain et à l'eau » que, en 1376 ou 1377, Rolet de Monte, voleur trop désargenté pour pouvoir s'acquitter des 100 sous d'amende qui lui ont été infligés, séjourne dans la prison de Saint-Maurice, à raison d'un jour par sou d'amende non payé45• L'eau appartient au seigneur, qui la concède, avec les forets et les paturages, à la communauté villageoise. Cela nous apparait en général après coup, dans les reconnaissances générales que les paysans pretent collectivement en faveur de leurs seigneurs. On a cependant parfois la chance de posséder l'acte de ces sion, lorsqu'il est assez tardif. Le 29 mai 1314, Guigone, << dame » d'Anniviers, et son fils Jean, vidomne de ce lieu, remettent à la communauté de Vercorin leurs droits sur tou�es les eaux de la paroisse, « ainsi que la source (fans) du vil lage ». La communauté verse 30 sous mauriçois d'entrage et elle paiera chaque année deux sous de service, avec, le cas échéant, un plait de 4 sous46• Grace à un détail donné en 1467 dans une déposition de témoin, lors du pro cès de Françoise Bonvin, on voit celle-ci aller chercher de l'eaù aux canalia47 du village ; il faut peut-etre voir là - s'il ne s'agit pas simplement d'un lieu-dit - des rigoles ou des tuyaux de bois amenant l'eau potable dans le village. Le texte ne permet pas de savoir si cette eau est captée dans un bassin. Au printemps 1323, les bourgeois de Sion confient à Guillaume de la Croix et à sa femme Antoinette « l'entretien des bornelli de la cité de Sion, de telle sorte qu'ils doivent entretenir convenablement ces bornelli et leur aqueductus »48• Ce texte distingue bien l'amenée d'eau, aqueductus ici, canalia à Chermignon, et les fontaines (bornelli) qu'elle alimente. Antoine Lugon vient de montrer l'exis tence à Sicm, au bas Moyen Age, de deux lieux appelés « place des Bornels », l'un juste à l'extérieur de l'enceinte, près de la porte des Chenaux, et l'autre en pleine ville, au sud de l'église Saint-Théodule49• À quoi ressemblent ces fon- 60
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