La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 12 2 1 33 (f03r) chambre de la Reyne, V.A.R. sçait bien, Madame, que les hommes n 'en­ trent point dans les monasteres des religieuses. Ainsi je n ' ai pü sçavoir ce qui se passa entre ces deux Reynes 1 1 , que par la relation que la souprieure m'en a faite par escrit, et que j ' ay attachée à ma lettre 12. En un mot, la Reyne reconut l'original, et mesme son escriture par ces quatre mots mis sur le dos du portrait: "Aetatis sua annoc .43 .", car pour les lettres que V . A.R. me fait l 'honeur de m'escrire de sa main, ce sont des misteres cachés à tout le monde, et qui ne sor­ tent jamais, non plus que l 'Arche d' Alliance, du sanctuaire où je les ai renfer­ mées. Je supplie tres humblement V.A.R. de me pardonner, si je m'etends si fort sur cet article. Je ne le fais pas comme orateur, mais comme admirateur, adorateur et transporté. Enfin, Madame, je ne sçaurois assés parler de mon tre­ sor, ni de mon bon heur, je ne le changerais pas avec tous les estats de Mon Sei­ gneur. Il faut neant-moins changer de discours, malgré moi, et vous escrire des nouvelles. La premiere, et qui sera sans doubte la plus agreable que je puisse donner àV.A. , est que vostre palpitation de cœur n'est point perilleuse1 3 . M. l e comte Augus­ tin des Lances 14 aiant pris la peine de me venir voir, m 'exagera si fort vostre mal que j 'en eus une douleur, et une tristesse inconcevables car, Madame, si je vous perdais, aprés Dieu, je perdrais tout. Dans cette oppression de mon cœur, j 'es­ crivis tout-à-l 'heure à Monsieur de La Chambre 1 5 , medecin de M. le Chance­ lier, la nature de vostre maladie, telle que M. le comte Augustin me l ' avoit fait comprendre et ce grand homme, aiant trouvé dans son art de quoi obliger ma Il C'est-à-dire. Henriette d'Angleterre et le portrait de Christine de Savoie. 12 Elle n 'a pas été retrouvée. 1 3 Dans la livraison du 1 5 mai. la gazette de Socini contient la nouvelle que la duchesse de Sa­ voie avait eu une poussée de fièvre quelques j ours auparavant. Bailly pourrait se référer à cet épi­ sode. 14 Agostino, comte des Lanze ( 1 604- 1 689), capitaine des gardes à la cour de Savoie et gentil­ homme ordinaire de chambre du duc Charles-Emmanuel II, fut chargé de plusieurs missions en France et aux Pays-Bas; en 1 670 il fut nommé chevalier de ! 'Ordre de l 'Annonciade. En 1649. il avait été chargé de présenter les condoléances de la duchesse Christine à la Reine d'Angleterre et à Charles II son fils pour la mort du roi Charles I. Cf. Alberi dijamiglie subalpine raccolti ed inparte compilari da//'abate G. A. Torelli, Biblioteca del Seminario metropolitano di Torino, ms. 1 1 ( 1 7-24), vol. IX, pp. 1 90-9 1 ; A. MANNO, op. c i l . , l. XV, s.v.Lanze. 15 Marin Cureau de la Chambre (vers l 594- 1 669). médecin et écrivain. fut l ' un des fondateurs de ! ' Académie Française et membre de la première Académie des Sciences dès l 666; depuis 1 630, il était le médecin du chancelier Séguier, à qui il dédia son ouvrage Du caractère des pas­ sions, en 1 640. En 1 650 il acheta la charge de second médecin ordinaire du roi. DBF, t. IX, 1 96 1 , col. 1491 -92; R . KERVILER, Marin et Pierre Cureau de La Chambre, Le Mans, Pellechat, 1 877.

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