La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

1 42 Correspondance d'A. Bailly - 1649-1650 Mais contre ce que je viens d'escrire, je suis obligé de dire avec verité que je n'attans pas, Madame, avec moins d'ardeur le jour qui le suit, puisque c'est dans l'un de ces moments que j'espere de recevoir de vos cheres lettres, et de vous voir au moins dans vostre seing. Je crois, Madame, que la complaisance que V.A. a pour ma passion, et qui l'oblige de me commander de luy escrire par tous les ordinaires, luy inspirera aussi pour ma satisfaction de m'honorer chaque se­ maine d'une petite ligne, et sans qu'elle prene la peine de m'escrire avec des ca­ racteres bien formés, car les plus mal faits, et les moins lisibles sont ceux que j'aime, et qui me touchent le plus. Au reste, Madame, il semble que V.A.R. est de Paris, puisqu'il n'y a personne qui ne vous y connaisse, mesme dans vostre image2, et quoique nos Parisienes rougissent de se voir effacées, en la fleur de leur âge, par une Princesse de 43. ans3, neantmoins le respect, et la passion qu'elles ont pour la plus digne, et la plus parfaite de leurs princesses, les fait murmurer contre le peintre4 qui a, disent-elles, mis sur le front de cette beauté un voile importun qui le cache trop. Il y en a mesme qui se confessent d'avoir medit de sainte Terese pour vous avoir mal vetue, et derobbé tant / (f'3r) d'autres rares ornements, et dont, pour les appaiser, je leur fai s le recit, et la description le moins mal que je puis. Yoiés-vous bien, Madame, comme je suis charmé de cet i ncomparable portrait, puisqu'i l faut que j'en parle encore dans cette lettre. Qui me l'ostera, sera bien un adroit, et ingenieux larron; aussi bien que ce riche, et parfumé chapelet5 qu'on estime deux cent francs, et moi un million. Que de prieres, que de dou­ ceurs, que d'atraits, que de promesses pour me veincre, et pour me ravir ce tre­ sor. Mais en vain, je suis un rocher impenetrable, contre lequel tous ces dards rebouchent, et sont impuissants. Nous n'oserions porter de si riches chapelets sans permission. Je l'ay obtenue de nostre Pere Provincial6, et pour n'estre point 2 Il s'agit d'une nouvelle allusion au portrait de Madame Royale (cf. lettre 1 2 1 ). 3 En effet, Christine de France était née à Paris le 10 novembre 1 606. 4 Philibert Torre!, dit Narcisse, cf. lettre 1 0 1 , note 7. 5 Bailly fut particulièrement flatté par ce cadeau de la duchesse, comme il ! 'avait été par son por­ trait en sainte Thérèse. 6 Giovanni Agostino Gallicio ( 1 592- 1 68 1 ), Barnabite, fut nommé Père Provincial pour le Pié­ mont en 1 64 1 , et jusqu'à 1 650; en 1 656- 1 659, il fut élu Proposé général de !'Ordre. La province de Piémont était l'une des trois subdivisions territoriales de la Congrégation de Saint Paul (les deux autres étant la province lombarde et celle de Rome) et elle comprenait les collèges de Ver­ ceil, Casale Monferrato, Asti, Pise, Gênes, Acqui, Casalmaggiore ainsi que les congrégations nées en Savoie (Annecy et Thonon) et en France (Paris, Montargis, Etampes, Lescar et Dax). O. PREMOLI, op. cit., pp. 3-4 ss.; p. 209; Scrittori Bamabiti, op. cil., t. II, pp. 1 12- 1 15.

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