La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre J24 1 45 Voila, Madame, un etrange, et bien tragique accident. Les guerres civiles en caus eront bien d'autres car, comme il y a peu de gentils-hommes à la campagne qui n'aientc esté mal traités par les gens de guerre, et qu'ils s'en prenent aux chefs, aussi leurs ressentiments les vont obliger à des vengeances, qui sont bien à creindre, et qui nous doivent bien faire detester les seditions, et les troubles domestiques. M. le mareschal de La Motte a fait sa paix, et doit estre à Compiegne 1 4. / (f'°5r) M. le Premier President de nostre Parlement, et qui est aujourd'huy l'arbitre des choses, et comme la souveraine puissance de l'Estat, a envoié à M. le duc de Beaufort l'abolition de ceux qui ont contribué à son evasion toute seelée15• On fait tout ce qu'on peut pour amolir la dureté de ce cœur, et on y trouve bien de la re­ sistance, et des obstacles 1 6. Une infinité de petits enfans s'assemblerent ces jours passés derriere le palais de M. le cardinal Masarin, et jetterent tant de pierres contre les vitres, qu'elles en fu­ rent toutes cassées, et brisées. M. le Lieutenant Criminel y accourut, les fit retirer, et oster ces vitres pour ne plus servir d'objet à l'indignation de cette jeunesse. Hier mattin, à cinq heures, comme M. le Premier President alloit au palais, il rencontra plus de deux mille locataires, qui blasphemant, et l'outrageant, de­ manderent qu'on revocquat l'arrest qui dechargeoit les seuls artisans du paie­ ment des loiers du terme de Pasques 1 7, et qu'on en donna un autre qui fut ge- 14 Pour le détail des prétentions de Philippe de La Mothe-Haudancourt, cf. lett. 1 10, note 5; un acompte fut remis au maréchal le 27 janvier; à cette date, l'abbé Mondino lui avait donné des pierreries provenant de la rançon du marquis de Povar, et estimées à soixante-dix mille livres. Après la paix de Saint-Gerrnain, toutes les prétentions du maréchal avaient été évaluées de son consentement à la somme de deux cent mille livres; bien qu'une promesse en bonne et due for­ me lui fût remise pour qu'il reçût aussi promptement que possible son dû, Mazarin fit traîner les choses et ne lui donna pas de l'argent liquide, mais des assignations. Voilà la raison du mécon­ tentement de La Mothe, qui ne s'était pas encore rendu à la cour faire ses hommages à la Reine. le 24 mai, Molé écrivait à Le Tellier: "L'affaire de M. le maréchal de La Mothe est faite, ce dit­ on, et la parole en est donnée; je [le] lui ai faitsçavoir, et néantmoins, point d'exécution. Si c'était argent comptant, ce seroit un juste sujet de retardement; mais pour des assignations, il semble que l'on manque pour quelques autres desseins." (op. cil .. t. IV, p. 49). 15 L'abolition pour le duc de Beaufort et pour ceux qui l'avaient aidé lors son évasion du château de Vincennes, au mois de mai 1 648, fut octroyée le 19 mai 1 649 (ms. f. fr. 25025, f"34v). 1 6 B eaufort ne se reconciliera avec la cour qu'en l 'automne 1 649. 17 Cf. leu. 1 16, n. 8.

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