La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

1 46 Correspondance d'A. Bailly - 1649-1650 neral, et dechargeat tout le monde. Et comme M. le Premier President leur di­ sait que la Court n'avait pas coutume de revocquer si facilement ses arrests, cette insolente populace repartit, avec des reniments, que le Parlement avait bien revoqué l'arrest qu'il avoit donné contre le cardinal Masarin1 8, et qu'il pou­ vait, par ce seul exemple, revoquer celuy dont ils se pleignoient. Qu'en un mot, ils le voulaient ainsi, et que, faute de le faire, ils jetteraient et le President, et les conseillers dans la Seine. Ces Messieurs s'accommoderent au temps, et donne­ rent contentement à cette canaille. Ce qui augmente la fureur des peuples sont les imprimés continuels des de­ sordres que commettent à la campagne les Allemands, les Polaques et les Fran­ çois mesmes. On les vend publiquement1 9, et nos bourgeois tres zelés pour la religion ne sçauroient lire les sacrileges, et les viols qu'on presuppose que les soldats font jusques sur les autels, sans fremir, et sans s'emporter à de furieuses menaces. Dieu nous preserve, s'il luy plaist, de la renaissance de nos maux. / (f06r) Pour clorre ce fascheux discours par quelque chose plus agreable. Je vis il y a 3. jours Mademoiselle de Pont20, cet idole de M. le duc de Guise2 I . Elle m'entretint long temps, et particulierement de V.A.R., disant que, sur le re­ cit qu'elle a entendu faire à la Court des roiales perfections de V.A., elle avoit cent fois pleint son infortune de n'avoir esté vostre fille, et tres humble servan­ te domestique. J'essaiey [sic] d'y ajouter ce qu'elle oubliait, et que j'en sçavois de particulier. 1 8 L'un des articles de la paix de Saint-Germain décretait l'annulation de tous les arrêts du Parle­ ment rendus pendant le blocus de Paris; par conséquent, les a1Têts contre Mazarin des 8 et 1 3 jan­ vier avaient été abolis. Cf. lett. 1 03, n. 1 4. 1 9 Cf. lett. 1 22, n. 28. 20 Judith-Suzanne de Pons, fille de Jean-Jacques de Pons, marquis de La Case, et de Charlot­ te de Parthenay. Elle entra à la cour vers 1 64 1 et devint fille d'honneur de la reine après sa conversion au catholicisme. Pour ce qui est des amours entre Suzanne de Pons et le duc de Guise, cf. TALLEMANT des RÉAUX, op. cit., t. II, pp. 339, 369 et 372. 2 1 Henri II de Lorraine, duc de Guise ( 16 1 4- 1 664), archevêque de Reims à l'âge de quinze ans et titulaire de plusieurs bénéfices, renonça à la prélature à la mort de son frère aîné, le prince de Joinville ( 1 639) et de celle de son père, Charles de Lorraine ( 1640). En 1 647, il s'était rendu à Rome pour obtenir l'autorisation à son mariage avec Suzanne de Pons. Mais lors de l'émeute de Naples, il se fit élire généralissime par les Napolitains, avec l'intention de se faire proclamer roi s'appuyant sur une vieille prétention de sa famille sur ces territoires. Puisque la cour française n'appuya pas son entreprise (Mazarin y avait envoyé le prince Thomas de Carignan pour com­ battre contre les émeutiers), le duc de Guise fut fait prisonnier par les Espagnols et resta quatre ans en Espagne. MORÉRI, op. cit., t. VI, p. 403.

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