La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 1 27 1 59 Elle me demanda encore avec plus d' ardeur qu' auparavant ma sainte Terese4. Mais je luy en ostei franchement l 'esperance, et la fis bien rire sur le vœu que j 'ay fait de la porter sur moi jusques à la mort. Neantmoins, Madame, si V.A.R. m ' ordonne de la luy faire voir, un petit moment et non plus, je luy obeirei, mais à condition que ce sera pour la derniere fois. Les choses sacrées doivent estre rarement exposée aux yeux des hommes, pour se rendre plus venerables, et plus augustes. Sa Magesté m 'entretint en suitte des affaires d 'Angleterre avec des transports de joye. Elle me dit: 1 - Que tous les generaux d'Irlande estoient d 'accord, et en grande intelligen­ ce; qu ' ils avoient assiegé Dublin par mer, et par terre, et qu 'il y avoit / (f"3r) grande apparence que cette v ille se prendroit devant que les parlementaires pussent la secourir5. 2 - Qu ' ils ne seroient de long-temps en estat d ' y envoier du secours à cause de leurs divisions, et qu'elle me racompta à peu pres comme elles sont escrittes sur le papier à part que j 'ay attaché à cette lettre, et ainsi je ne les repete point6. 3 - Qu'elle attendoit de jour enjourleRoy sonfils7, que les Irlandois demandoient avec de grandes, et respectueuses instances. Qu'en un mot elle commençoit de voir un grand chemin s'ouvrir à sa premiere splendeur, et à la gloire de son fils8. prenés de savoir nos affaires; c'est une trop grande bonté que vous avés pour moy, et que je ne mé­ rite pas; maisje tascheray de le faire, sy je suis jamais assés heureuse que d'en avoir les moyens que je recehrcheray plus que je ne feray mon propre bonheur, lequell j 'estimeray le plus grand qu'il me puisse ariver de vous servir. Croyés-moy, ma chere sœur, qu'il n'i a personne au monde qui vous honore et ayme plus quemoy, y estant obligée par le sang, may par une autre chose quej'estime plus que sela, parvostre amitié et bonté et mon inclination. Pardonnés sy ma lettre est symal escrite, s'est quej'ay l'esprit un peu brouilié d'une nouvelle que l 'on me vientdedire; que il y avoit des gens à la court venus de la part de ses meurtriers d'Angletaire. Je ne le puis croyre; mais elle ne laisse pas de me tourmenter un peu. A la premiere fois, je vous manderay sy il est vray. Vous saurés que il y en avoit un envoyé en Hollande [docteur Dorislaus, chargé de dresser l'acte d'accusation de Charles 1, envoyé du Parlement anglais aux Etats généraux en Hollande], qui a estté tué, deux jours après esttre arrivé, par des gens du Roy mon fils ( ...). " (Lettres de Henriette-Marie (.. .), cit., pp. 45-46). 4 Sur le portrait de la duchesse habillée en sainte Thérèse, cf. lett. 1 0 1 , n. 7; il attendait le nou­ veau portrait où la duchesse était habillée en sainte Christine. 5 Cf. lett. 1 20, n. 5. 6 Ce papier n'a pas été retrouvé. 7 Charles Il Stuart; pour son arrivée à Paris, cf. lett. 142. 8 11 s'agit d'une allusion aux succès remportés par l'armée royaliste en Irlande et à la situation écos­ saise, qui avait reconnu Charles II comme roi de la Grande Bretagne et de l 'Ecosse, cf. lett. 120, n. 5. On sait que ces succès furent éphémères, et qu'au cours de l'automne 1649 la situation pour le roi Charles II redevint critique.

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