La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

12 Correspondance cFA . Bailly - 1649-1650 de novembre, Mazarin est désigné à l ' aide d ' une métaphore solaire qui signi­ fie à la fois la toute-puissance de son pouvoir et l 'alternance cyclique de dis­ grâce et faveur: Cette fortune opiniatre à soutenir notre Ministre comble tous les precipices à mesure qu'on les creuse sous ses pieds, et lorsqu'on pense que ce soleil va éclairer dans un autre hemisphère, nous le voions briller dans le nostre, je veux dire sur cet horizon, plus fortement, et avec plus de splendeur que ja­ mais56. En outre, le discours de notre épistolier est toujours caractérisé par une forme claire et extrêmement harmonieuse. L'emploi de phrases courtes et l ' utilisation de la juxtaposition sont caractéristiques des lettres-gazettes, où la relation des nouvelles politiques doit concilier les exigences de la précision avec celles de la brièveté57. Par contre, la coordination et la subordination sont utilisées de préférence pour traiter des questions délicates de la politique58 afin de traduire la complexité des enjeux et d'en expliquer toutes les nuances. Parfois, l 'équi­ libre, la musicalité et le rythme de sa prose concourent à créer des pages parti­ culièrement réussies; voilà par exemple sa description des réjouissances des parisiens lors du retour du Roi, le 1 8 août 1 649: L'admirable tranquillité de Paris, la mutuelle joye, et consolation de Leurs Magestés, et de leurs sujets, les cavalcades publiques, et superbes, les "vive le Roy", les tables mises par toutes les rues, les santés du Roy celebrées sur des theatres au son des instruments melodieux, les larmes repandues d'un costé, et d'autre sur ces feux d'amour reciproque pour les allumer davantage, en un mot, les victoires, et les triumphes de la paix, et la confusion, et la terreur de nos frondeurs determinés, et abbatus, toutes ces choses enchantent ma raison, et mes sens en un point que la part que je donne à V.A.R. de nostre felicité n'est qu'une legere, et fort mediocre expression de mes pensées, et de mes sentiments; et il faut que j'avoue qu'un si riche, et si abondant sujet me rend sterile, et muet. (lettre 1 49) 56 Lettre 1 6 1 . 57 Cf., par exemple, l a gazette du 2 3 juin 1 65 1 (A.S.T., Corte, Lettere Ministri - Francia., m . 57, fasc. 1 , lett. 28). 5 8 Un exemple à la lettre du 18 juin 1 649.