La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

1 78 Correspondance d'A. Baill.1· - 1649-1650 j 'ay tellement attachée sur mes yeux, et sur mon cœur, que je n'en puis desor­ mais envisager, ni reverer d' autre. Ce Pere vous dira, Madame, que les enfans imitent leur pere, et qu'on ne parle ceans que de sainte Terese française par le visage, etje crois que sainte Aure6, pa­ trone de cette eglise, luy cederera [sic] enfin sa place, et son tiltre, et que ce riche temple sera dedié à sainte Christine, des que nous aurons son image pour l ' ex­ poser sur nostre maistre autel; c' est /a (f'2r) une chose etrange, Madame, du changement que cette sainte a operé en moi. J'estois indifferent, elle m'a rendu partial. Mon ame estoit assés tiede en la devotion des saints, elle l'y a puissam­ ment allumée. Je ne faisais mes meditations que sur mes defauts, qui sont de la voie purgative, et maintenantje les fais toutes sur les perfections de ma sainte, qui sont la matiere de la voie illuminative7; mes pensées estaient souvent engagées dans les choses de la terre, maintenant elles sont toutes CHRESTIENNES ; j ' es­ tais souvent distrait dans mes prieres, et à cette heure, je suis dans un perpetuel recueillement. En un mot, Madame, ces miracles sont si grands, et si veritables, qu'ils suffiraient pour canoniser ma sainte, si elle ne l'estoit des-ja. Or, Madame, si l ' image seule est miraculeuse ou, pour mieux dire, si le seul visage de sainte Christine est miraculeux, et fecond en prodiges, tout peint qu'il est, quels mer­ veilleux effets ne doit point produire l ' original! Si je le demandais à Madame la marquise de Senantes, àMadame la comtesse de Masin9, et à toutes les bien-heu- 6 Sainte Aure de Paris avait été choisie par saint Eloi pour régir le monastère de femmes qu' il avait fondé à Paris, et qui comptait plus de trois cents religieuses; le couvent de Saint Eloi, à Pa­ ris, était donc appelé aussi Sainte Aure, du nom de sa première abbesse. La sainte mourut en 666, à la suite d'une épidémie de peste; ses restes étaient conservés dans l'église de Saint-Martial, mais ils furent dispersés lors de la Révolution. Cf. Bibliotheca Sanctorum, cit., vol. Il. ad vocem. 7 Bailly se rapporteau degré intem1édiaire pamii les trois chemins du chrétien vers la sainteté; ceux-ci comportent d'abord la voie purgative, puis la voie illuminative et finalement la voie unitive. La voie purgative est le premirdegréde charité; la voie illuminative comporte le choix d'une vie consacrée à la piété et au perfectionnement des vertus. Le dernier degré cotTespond à la charité parfaite. Cf. A. RoYo MARIN, Teologia della perfezione cristiana, Roma, ed. Paoline, 1 965, pp. 347-48 etpassim. 8 Chrétienne-Mauricette de Damas, femme de François Havard, seigneur de Senantes (vers 1623 - 1 672); elle était dame d'honneur de la duchesse Christine. Cf. A. MANNO. op. cit . . t. IX, p. 15 et t. XV, p. 23; Dictionnaire de la noblesse, cit., t. X. col. 447-48. 9 Marie de Genève, comtesse de Masin, veuve depuis 1 642 de Carlo Francesco Valperga, comte de Masin; elle était aussi dame d' honneur de Christine de Savoie. E. A. FORAS, op. cil. , t. III, pp. 78-79. Pour la querelle entre la comtesse de Masin et son frère, Albert de Genève. marquis de Lullin, cf. A.S.T., Corte, Lettere Particolari - G, m. 20. fasc. Genève Albert, marquis de Lullin et Lettere Ministri - Francia, m. 5 1 , fasc. 3, lett. du 2 mai, 22 j uin et 2 août 1 648. Les lettres du marquis de Lullin ont été transcrites par Jean-Marie Frochaux (Les letrres du marquis de Lullin. mémoire dactylographié de l'Université de Turin, faculté des Lettres, a.a. 1994- 1 995).

RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=