La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

228 Correspondance d'A. Bailly - 1 649-1650 On dit que nostre armée est de 25 . mille hommes effectifs, tous bons soldats, et que celle de l 'ennemy est de 33. mille par la jonction de 8. mille hommes de pied, et de 2. mille chevaux holandois. Et les speculatifs ajoutent que nous avons de quatre sortes d'enemis. Les frondeurs de Paris sont les plus cruels, et les premiers. Les Holandois les seconds, les Anglais les troisiesmes, et les Es­ pagnols les derniers. La Reyne a donné de bonnes parolles à nos marchands pour le retour du Roy à Paris 1 1 , mais on croit que cette sage Princesse ne hazardera pas tant que cela, estant vray-semblable qu 'à la moindre sedition, nos frondeurs se saisiraient de la persone de Leurs Magestés, et ruineraient tout. Chose étrange de la dureté de nos bourgeois. Ils sont d ' accord qu 'ils ne peuvent éviter leur totale ruine, si le Roy ne vient à Paris dans six mois, et ils ont tous-jours la rebellion dans le cœur. Ce seul crime nous fait plus de peine dans les chaires, et ailleurs que tous les autres, quoiqu'il y en ait d ' assés considerables dans Paris. Je crois que V.A. sera bien aise de sçavoir qu' un advocat de Macon, appellé Guichenon l 2 , grand personage, et en singuliere estime auprés de M. le Chan- rier son fils àAnne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier (dite la Grande Mademoi­ selle), mais celle-ci refusa l'alliance avec le duc de Savoie dans l 'espoird'épouser le roi Louis XIV. En 1 66 1 , l'opposition du roi de France empêcha le mariage de Charles-Emmanuel II avec Sophie, fille de l'électeur de Saxe; finalement, en 1 663, il épousa Françoise, troisième fille du duc Gaston d'Orléans. A la mort de celle-ci, survenue un mois après, le duc de Savoie épousa Marie-Jeanne­ Baptiste de Savoie-Nemours ( 1665). Ici l'allausion se réfère au bruit que fit courir la princesse de Carignan d'une alliance possible entre la maison de Savoie et une maison proche de la politique es­ pagnole. A propos du mariage de ! 'Infante d'Espagne, des bruits furent répandus au mois de juillet que le roi Philippe IV méprisait l'alliance avec le roi de Hongrie (c'est-à-dire ce que Bailly appelle le "parti de Vienne"; cf. ms. f. fr. 25025, F70r). 1 1 Les députés des six corpsmarchands de la ville de Paris étaient partis le 27juillet pourCompiègne, où se trouvait la cour à cette époque, ils y arrivèrent le 30juillet et le prévôt des marchands pronon­ ça une harangue au sujet des libelles frondeurs et de l'arrestation de !'éditeurMorlot. Il demanda aus­ si au roi de revenir à Paris, sur quoi la reine donna une réponse négative; toutefois, six jours après, une lettre du roi annonçait son retour dans la capitale pour le 1 8 août. Cf. J. V ALLIER, op. cit., t. 1, p. 374, Lettres du cardinalMazarin (. . .), cit., t. III, pp. 386-87 et surtout le compte-rendu des séances à !'Hôtel de Ville dans les Registres de !'Hôtel de Ville (. . .), cit., t. Il, pp. 3 1 -39. 12 Samuel Guichenon ( 1 607- 1 664), historien, historiographe du roi Louis XIII et de la maison de Savoie. L'œuvre à laquelle il était en train de travailler en 1 649 est l'Histoire de la Bresse et du Bugey, qui sera publiée en 1 650. L'Histoire Généalogique de la maison de Savoie sera com­ mencée par cet historien seulement après 1 650. Sur ce personnage, ainsi que sur ses œuvres, ses rapports avec le milieu piémontais et sa théorie historiographique, cf. V. CASTRONOVO, Samuel

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