La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 154 25 1 Madame Je supplie tres humblement V.A.R. de l ire cette lettre bas, et en secret; je n ' en ai rien escrit à persane, à fin que si V.A. croit que la chose doive estre suppri­ mée ou traitée avec / (f02r) delicatesse, et secrettement, elle soit en terme de le faire, sçachant qu'elle seulement la sçait en Piemont. Voici donc l 'affaire. Monsieur Marchisio2, agent de Monsieur le Prince Thomas, me vint voir il y a trois jours, et fût bien trois heures avec moi. Il me dit d'abord que toute sa pas­ sion serait de voir Messieurs les Princes3 parfaitement reunis avec V.A. et que cette liaison estait tres necessaire en ce temps mal-heurex, où iJa voioit que les affaires de France estaient en quelque desordre, et menaçaient celles des cou­ rones alliées d'un pareil sort. Et que par son advis, le souverain remede aux maux des etats de Son Altesse4 serait d'avoir ses oncles entierement à soy, et se servir de leur esprit, de leur conseil, et sur tout, de leurs habitudes pour faire teste aux ennemis, ou pour les ranger à quelque paiii. En suitte il me dit que M. le prince Thomas estait en un estat tres commode, et tres propre à une dependance entiere, et certaine des volontés de S.A. et des vostres; c'est qu' il ne doit rien esperer d'ici, et que, de ce costé là, sa fortune est faite. Qu'il le luy avait escrit et repre­ senté qu'il estait temps qu ' il songeat à quelque etablissement, et pour luy, et pour Messieurs ses enfans5, et qu' il ne pouvoit en esperer qu 'en Piemont. 2 Giovanni Domenico Marchisio. 3 Thomas-François (cf. lett. 1 26, n. 7) et Maurice de Savoie-Carignan (cf. infra, n. 8); en plus de l'opposition des beaux-frères de la duchesse Christine à la nomination de celle-ci comme ré­ gente, lors de la mort de Victor-Amédée l , (ce qui fut la cause de la guerre civile au Piémont, 1 639- 1 642), le prince Thomas avait une autre raison de rancune contre Madame Royale. En effet, le 19 juin 1 648 (veille de la majorité de Charles - Emmanuel Il), celle-ci l ' avait dépossédé par la ruse de son gouvernement d'lvrée; bien que profondément humilié, Thomas n'avait pas refusé le gouvernement d'Alba et d'Asti et les apanages qu'on lui avait proposés en récompen­ se, mais il n'entra jamais dans ces villes et n'y exerça aucune forme de gouvernement. L'accep­ tation du projet de la duchesse Christine avait été conditionnée par J 'échec queThomas avait su­ bi àNaples quelques mois plus tôt, dans l'expédition organisée parMazarin pour y constituer un royaume "indépendant" des Espagnols, mais en réalité soumis à la France; cet échec avait été aussi la cause d'un refroidissement des rapports du prince avec la cour française: en effet, au cours de l ' année 1 649, il ne fut chargé d'aucun commandement militaire. Cf. G. AMORETTI, op. cit., t. II, pp. 1 97-20 1 , 220. 4 Charles-Emmanuel II de Savoie. 5 Pour les enfants du prince Thomas, cf. lett. 1 17, n. 1 1 .

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