La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre l56 257 n 'est-ce pas, Madame, aux prestres de faire ces fonctions, n 'est ce pas à nous que Dieu commande de recourir en toutes sortes d'occasions, et d ' implorer nos prieres? V.A. le reconoit par toutes les lettres que j ' ay l 'honeur de recevoir de sa part, car elle m' appelle tous-jours son devot orateur, c 'est à dire persone des­ tinée à prier pour elle. Et neantmoins on me neglige, et on va mendier ces sacrifices des lais. Il faut, Madame, que je sois bien bon, pour souffrir cette injure, et pour arreter ce zele imperieux, et impetueux qui me sollicite, comme un autre Elie, de faire descendre le feu du ciel pour devorer cet Ambassadeur, et cet Abbé2, NON PRESTRE, qui ont eü ordrea de toucher à l 'encensoir3, et d'immoler des victimes. Je supprime neantmoins ma juste colere, et me contente de m'en pleindre à Monseigneur, en me conjouissant avec S.A.R. de son bon-heur. Et pour montrer que je ne me vange pas, je vais faire du bien, pour le mal qu'on me fait, et faire profusion de nos nouvelles à la Souveraine qui est si menagere des siennes. Je vis hier la puissance que V.A. sçait que j ' aproche le plus4. Elle me dit que M. l e commandeur de Souvré5 l 'avoit veu le mattin, e t asseuré que Son Eminence se r' accomodoit avec M. le prince de Condé6. M.RossignoJ7, sortant du cabi­ net de cette Eminence, me rencontra, et m'en / (F3r) dit autant, et qu 'il venoit de l 'aprendre de la propre bouche de M. le Cardinal, qui estoit devenu plus vi­ sible, et plus gay que de coutume. On avoit essaié d'assembler le Parlement pour prendre quelque violente resolution contre Son Eminence et mesme faire executer l'arrest de 1 6 1 78. Mais les plus sages 2 Giovanni Francesco Ponte, comte de Scamafigi, ambassadeur de Savoie à Paris et l ' abbé Mondino. 3 D'après Furetière (op. cil., t. 1, p. 497) toucher à /'encensoir voulait dire "vouloir entreprendre sur la jurisdiction, ou sur les biens des ecclésiastiques". 4 Le chancelier Séguier. 5 Jacques de Souvré ( 1 600- 1 670), chevalier de ! 'Ordre de Malte, lieutenant général des Galères, frère de la marquise de Sablé; il avait une forte réputation de stupidité parmi ses contemporai­ nes, cf. TALLEMANT des RÉAUX, op. cil., t. II, p. 1 1 9 1 . 6 Sur la brouille entre le Cardinal et le prince de Condé, cf. lett. 155, n . 2. 7 Antoine Rossignol. 8 Cet arrêt fut rendu en 1 6 1 7 contre le maréchal d 'Ancre; il excluait les étrangers de toute parti­ cipation au gouvernement du royaume de France, sous peine de mort. En effet, des bruits couri­ rent dans la capitale que Condé, excité par les frondeurs qui lui offrirent leurs services lors de sa rupture avec Mazarin, avait l 'intention de présenter requête au Parlement pour le faire exécuter. Cf. A. CHÉRUEL, op. cit., t. III, p. 292. Pour essayer de dissuader le Prince, on fit intervenir Mathieu Molé, le duc de Rohan et le maréchal de Gramont.

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