La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 156 259 gueville, et de M. le duc de Beaufort pourroit bien se faire 1 5 , pui sque celuy de son frere estoit rompu, et que Mademoiselle de Longueville luy avait dit que jamais elle ne seroit allé aprés la niepce de Son Eminence l 6 . Je luy demandei si cette Princesse avoit de l ' inclination pour M. de Beaufort (car des que la pante joue parmi nos dames naiées [sic] devant l ' an 1 620, I 'expe­ rience nous a apris qu'elles sçavent genereusement se satisfaire) . Elle me repondit qu'elle n ' avoit qu ' une difficulté, et qu' une creinte. C 'est qu 'elle ne pense pas pouvoir gouverner entierement ce Mars parisien, qu ' elle doute de le posseder sans compagne. Sur quoy je repliquei aussitost que s ' il n ' y avoit que cet obstacle, le mariage estoit fait, et que la bonne Pri ncesse en tenoit, la creinte estant, selon nostre philosophie morale, une veritable / (f04r) amour, avec cette seule difference, que l ' amour veritable court à la possession de l 'objet, et la creinte court aux empeschements qui se presentent en cette jouissance desirée pour les oster. Je fis en suitte voir à Monsieur le Chancelier, et à Madame la Chanceliere 1 7 mon riche chappelet. Le premier conut mieux que l 'autre son prix, et dit sou­ dain que c 'estoit un calambourl 8 de la Chine, et fort beau.c Il y avoit long temps que cette curieuse m' avoit ordonné de luy envoier ce tresor pour le voir, mais creignant qu 'elle n' oubliat de me le faire rendre, je voulus estre le porteur, et le raporteur. Elle ajouta, en souriant, que V.A. faisoit des presents à tout le mon­ de, fors à M. le Chancelier; et moi, je repartis aussitost, en riant aussi, que M. le Chancelier estoit liberal de ses lettres à tout le monde, sinon à ma Maistresse. La farce se passa ainsi, au contentement de tous. En prenant congé, Madame la Chanceliere me demanda de voir vostre grand image 1 9, car elle va estre l e miracle de Pari s . 1 5 Ce mariage avait été projeté par Mazarin parallèlement à celui d u duc de Mercoeur et de sa nièce, pour renouer l 'alliance avec la maison de Vendôme, contre Condé. Mais puisque Condé avait approuvé cette alliance, pour désunir le prince de Condé d'avec le duc de Longueville on proposa à ce dernier d'épouser Mademoiselle de Chevreuse et d'avoir la principauté de Sedan. La duchesse de Montbazon fut chargée de cette négociation, mais le duc de Beaufort refusa (cf. ms. f. fr. 25025, F l 04r). 16 Laura Mancini. 17 Cf. supra, note 1 4. 18 Le calembour était un bois parfumé. 1 9 C'est-à-dire, le portrait de Madame Royale en sainte Christine; Bailly avait reçu le chapelet dont il parle ici en même temps que le premier portrait de Madame Royale, oü elle était peinte en sainte Thérèse. Cf. lett. 1 22.

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