La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 159 27 1 ils doivent à leur Prince une obeissance simple, et aveugle, et qu ' il ne leur est jamais permis de la violer, ont [sicP detruit le fondement de la tranquilité pu­ blique, on tient une porte eternellement ouverte aux guerres civiles, et on four­ nit à l 'avarice ou à l 'ambition des grands un perpetuel pretexte de faire revol­ ter les peuples, et de les rendre leurs esclaves, sous couleur de s ' opposer à la violence de ceux qui les gouvernent. C ' est, Madame, la verité mesme, et que j'exagerei fortement aprés un excellent ecrivain qui a nouvellement traité cet­ te question4. Peut estre que M. le prince de Condé a leu son livre, et fait bon usage de sa doc­ trine, car enfin il est tres parfaitement reconcilié avec Son Eminences. Ils se sont traités mutuellement, et S .A. a protesté une entiere amitié à M. le Cardi­ nal, si bien que de ce costé là, la fronderie a echoué. Elle n 'a pas laissé d' essaier, ces jours passés, d 'exciter quelque orage nouveau. Six conseillers de chaque Chambre des Enquestes allerent à la Chambre des Vacations (qui est comme un abregé, et un representatifa du Parlement, et pour­ voie, pendant les feries, aux affaires pressantes, et qui ne peuvent estre diffe­ rées ) .6 Ces frondeurs donc demanderent à cette Chambre, qu 'elle mit ordre à trois choses pour la tranquilité de Bourdeaux. / 3 ont=on. 4 Nous ne sommes pas à même d'identifier avec certitude l 'ouvrage auquel Bailly fait allusion; tou­ tefois, nous croyons qu'il pourrait s'agir des Discourspolitiques des rois de Georges Scudéry, parus enjanvier 1648 avec une dédicace àMazarin. Le succès de cet ouvrage fut considérable; à côté d'une conception institutionnelle de la monarchie, qui exalte l 'autorité centrale et l'unité du pouvoir, on retrouve dans ce texte la métaphore tirée du langagenéoplatonicien identifiant le roi avec le Premier Mobile. Sur cet ouvrage, cf. R. GALLI PELLEGRINJ, Le Prince selon Georges de Scudéry dans le 'Discourspolitiques des Rois', "XVIJC siècle", 33 n. 1 30 ( 1981 ), pp. 36-5 1 . 5 Sur l a réconciliation entre Condé et Mazarin après l a rupture survenue l e 1 4 septembre, cf. lett. 1 58, n. 1 4. 6 Le 4 octobre, le député du Parlement de Bordeaux, Guyonne! (cf. lett. 1 20, n. 1 2), avait présenté au Parlement de Paris des lettres de sa Compagnie, mais puisque l'on était dans la période des vaca­ tions, l'on ne put lui donner audience; en effet, la Chambre des Vacations avait refusé soit de permettre à la Chambre des Enquêtes (favorable aux bordelais) d'entendre seule la créance du dé­ puté, soit de permettre que ses conseillers se réunissent avec ceux des Vacations pour résoudre la question. La raison de ce refus était que la Chambre des Vacations n'agissait pendant cette période de l'année que pour une commission particulière du roi, qui limitait le pouvoir des conseillers à des affaires urgentes en matière criminelle ou à des questions civiles de moindre importance. Enfin, les Vacations ayant décidé d'entendre seules le député de Bordeaux, les conseillers des Enquêtes firent irruption dans la Chambre, ce qui eut comme conséquence la rémission de l'audience à quelques jours plus tard. Cf. J. V AL L IE R , op. cit., t. II, pp. 9-10, 1 9-20.

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