La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello
Lettre 159 273 deaux, et qu 'elle choisit de ces deux partis l ' un, ou qu 'elle vint en la Chambre où ils estoient, ou qu'elle leur permit d' aller à la leur. On leur permit le dernier. Us entrerent donc, et aprés avoir répeté les mesmes choses du passé, M. Le Coi gneux leur dit hardiment, et avec grande raison que le Parlement estoit dissout, qu' i ls ne pouvoient point opiner jusques à la Saint Martin, que pendant les fe ries les enquestes n ' avoient aucune voix, ni aucune seance, que tout le Parle ment estoit renfermé dans la Chambre des Vacations qui le representoit; que, par consequent, c 'estoit à elle seulement d 'opiner, et de juger, que pour les en questes la Chambre representative leur permettroit bien de faire des proposi tions, mais non pas d ' opiner dessus , que cela apartenoit seulement à la Chambre des Vacations, et qu'elle les prioit de bien peser ses raisons, et de tra vailler à la paix, plustost qu'à de nouvelles divisions. Sur cela ces frondeurs sortirent en gromelant, et onques depuis on n ' en a entendu parler14. Neantmoins, Madame, les provinces sont tousjours comme soulevées. La jus tice / (f04r) est baffoué [sic], on n 'oseroit faire mourir un criminel. Les tailles ne se paient point, ou avec mille peines. Le sel se vend publiquement par les faux sauniers 1 5 . Enfin les choses sont encore en un mauvais estat. On ne fait rien à Paris. Les marchands ne vendent plus, le bled est des-ja à un prix excessif. Le mui couste cent escus, et la l ivre du pain chalan 16 quatre sous. Un nommé Bailly a fait un parti avec la Maison de Ville de luy fournir deux mille muis de bled à quatre vingts\escus/c le muid, et à condition qu'elle luy fe ra bon le setier au dessus de 2 1 . livres. M. le Cardinal en a repondu, et nanti, le traitant de pierreries. Cela est tres vray, le Premier Echevin 1 7 , qui sort de ceans, me l 'a dit. M. le Chancelier m'a repliqué, quandje le luy ai dit, que Messieurs de Bordeaux avoient saisi tout le vieux bled que Bailly avoit achepté, et ordonné qu ' il seroit vendu aux boulangers par preferance. Dieu detourne, s'il luy plaist, la suitte de ces maux, et me face la grace, Madame, de m ' oster plustost la vie 14 Sur ce sujet, cf. supra, note 6. 15 La rentrée de la gabelle, c'est-à-dire l'impôt sur le sel, avait été considérablement compromi se par les troubles de la Fronde. Par conséquent, la contrebande du sel était devenue très com mune: les faux sauniers vendaient donc Je sel à la criée, malgré la peine de mort prévue pour ce crime. l6 Le pain chaian était le gros pain que les boulangers de la ville fournissaient à leurs clients ha bituels (c'est-à-dire à leurs chalands), par opposition aux pains que ceux du dehors vendaient aux premiers venus. FURETIÈRE, op. cit., t. 1, p. 237. 17 Il s'agit de Pierre Hachette, que Bailly a cité dans la lettre 1 58.
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