La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 1 71 3 1 1 J'ay corrunencé à parler hautement à nos deux Corps souverains4, du seul lieu où il est loisible de leur dire les verités desagreables. Et Dieu a conduit si adroitement/ (t°l v) ma langue, et donné de si bonnes impressions de ma mediocrité à ces Mes­ sieurs, qu'ils ont, à ce que m'a raporté PeJéS Je courrier, universellement approuvé ma metode, et mon elocution, et pour les marques de leur agrêment, je viens de re­ cevoir dix ducatons de la souveraine Chambre, et vingt de Nos Seigneurs du Senat. Ils ont bien fait davantage, car pour me combler autant de leurs largesses, que de leurs eloges, n ' aiant donné par le passé qu' un ducatton par jour à mes pre­ decesseurs, ils ont genereusement ordonné que j ' aurais un escu d'or, et me font de plus esperer que, si je sçai bien menager leurs bonnes graces, ils courone­ ront leurs premieres l iberalités d ' un riche present6. J 'essaierei, Monsieur, de me conduire comme ils veulent à finque leurs dons puissent m 'accommoder en un point, que je fasse le voiage de Piemont sans rien demander à vos tresoriers. Je n 'escris point à Madame Royale par cet ordinaire precipité, outre que ma melancolie ne me fournirait que des pensées, et des images de sa couleur. Et j ' ay fait serment de n ' entretenir jamais S .A.R. qu'agreablement, ni cacheter mes lettres que de cette belle soie, qu'elle appella, dans la derniere lettre qu' elle daigna m'escrire de sa propre main, "color di beltade". / (f"2r) Mes petits amis m ' esc1ivent que Madame de Beauvais7 est disgratiée, et s'est retirée à Gentilli en 1 ' une de ses maisons. Entre plusieurs raisons de sa dis- 4 Le Sénat et la Chambre des Comptes de Savoie. 5François Chevilliard, dit Pelat; il était le courrier au service de la maison de Savoie chargé de "courirde Chambéry pourTurin"; les Archives de l'Etat deTurin conservent quelques lettres de lui (A.S.T., Corte, Lettere Particolari, P, m. 23, (Pay-Pel), fasc. Pelat et C, m. 72, fasc. De Che­ villiard dit Pelat), datées de 1 660 et 1687. 6 En effet, le montant des sommes destinées aux prédicateurs par le Sénat de Savoie variait sui­ vant le succès qu'ils avaient obtenu; cf. E. BURNIER, op. cil., t. I, pp. 332-33. 7 Catherine-Henriette Bellier, ( 1 6 1 5 - 1690), première femme de chambre de la reine Anne d'Au­ triche; sonmariage avec Pierre de Beauvais, sieur de Gentilly, substitut du procureur général au Parlement de Paris, puis conseiller d'Etat en 1 643 et contrôleur des finances de Gaston d'Orléans (165 1 ) remonte à ! 'année 1 634. Agent secret et espionne de Mazarin, elle était détestée et décriée pour ses intrigues autant que pour sa laideur (elle avait un œil de verre, cf. TALLEMANT des RÉAUX, op. cil., t. II, p. l 399) mais elle jouissait d'une faveur extraordinaire auprès de la reine et de Louis XIV; DBF, t. V, col. 1 1 87; dans l 'automne 1 649 le marquis de Jarzé (cf. lett. 1 24, n. 8) avait réussi à gagner Madame de Beauvais et l 'avait chargée de déposer sur le miroir de la reine une lettre d'amour qu'il lui avait adressée; suivant le conseil de Mazarin, Anne d'Autriche hu­ milia Jarzé devant toute la cour et ) 'obligea de quitter la cour (26 novembre); toutefois, le prin­ ce de Condé prit ses défenses, ce qui força la reine de recevoir à nouveau Jarzé. Quant à Macta-

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