La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

338 Correspondance d'A. Bailly - 1 649-1650 interests de Gillette, qu'il en fait en qualque façon les siens. Ce Nissard6 adroit, et fourbe est le _ couteau pendant de Son Excellence?, et ne luy promet pas moins que de faire batir ses Minimes, et son superbe tombeau des debris de nos biens. Je ne sçay pourtant sur quoy il fonde ses beaux projets, de vouloir, ou pretendre, partager nostre mense à ces venerables moines, puisqu'ils ne mangent que de l 'uile, et en verité, nous n'avons pas un seul olivier dans toutes nos terres. Dieu nous sauve des mains de ces Goliath. Ainsi soit il. Au nom de Dieu, Monsieur, ne grondez point de ma façon d ' escrire, je ne sçau­ rois faire autrement, c 'est mon genie, et mon talent; chaqu ' un a le sien, ostés moi de là, je suis plus insipide qu ' un harang trop desalé. C ' est ce stile qui plaist à M. le Chanceliers, et à tous mes amis de Paris, et c ' est ce stile qui les a ga­ gnés. Aprés cette/ (f"2v) capritieuse apologie, vous me permettrés de retourner à mon sujet, et de vous supplier tres humblement de representer à Madame Royale que ce Marquis a une horrible passion d'estre nostre juge, conjointe­ ment avec quelques senateurs de son humeur, et que c 'est la nostre de ne l ' avoir point du tout, et qu 'ainsi S .A.R. nous fasse la grace de ne point luy deleguer la connaissance, et le jugement de cet important procés. Je vous donne advis, Monsieur, que le prieur de Blonay9 part aujourdhuy pour Thurin de Chambery, et que Gillette l 'a tant charlatté, qu'on m'a asseuré, qu ' il luy a promis son prieuré, et mesme qu'il en a escrit à Rome, pour trouver moien de se faire seculariser pour pouvoir posseder un benefice seculier, selon la puis lieutenant général du duché de Chablais, grand écuyer de la duchesse Christine, am­ bassadeur en Lorraine et en Allemagne; en 1 636 il avait fondé à Thonon un monastère de Minimes, soit rel igieux de saint François de Paule, composé de huit religieux avec une do­ tation de deux cent cinquante florins chacun, outre cent livres tournois pour 1 'entretien des bâtiments et autres dépenses; en 1 637, Lullin fit construire à Thonon un hospice civil et mi­ litaire destiné à être confié aux Minimes; cet édifice existe encore aujourd'hui. Cf. PICCARD, op. cit., p. 3 20-22. 6 Louis Gillette était né dans le comté de Nice. 7 C 'est-à-dire du marquis de Lullin; effectivement, celui-ci soutenait Je prieur de la Sainte-Mai­ son de Thonon dans la querelle qui l'opposait aux Barnabites. 8 Pierre Séguier, mécénat et protecteur des académiciens. 9 Jean-François de Blonay, prieur de Saint-Paul, testa en 1 642; il est possible qu'à sa mort, ce prieuré soit passé à son frère cadet, Claude de Blonay, qui en mai 1 649 avait signé un contrat dotal avec Péronne de Montvuagnard de Boège, veuve de Prosper d'Avise, oncle de Claude (E. A. de FORAS, op. cit. , t. l, p. 225). Ce serait donc Claude de Blonay qui allait se marier et par conséquent allait résigner son bénéfice en faveur de Gillette.