La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 191 35 1 Mais, mon Dieu, Madame, je ne sçai si je ne pourrois point estre trop hardi dans mes lettres. En verité, j 'en ai peur. Je sçay bien neantmoins, que je tremble quand je prens la plume pour escrire à V.A.R., et queje medite, et pese mes pen­ sées, et mes paroles comme celles de mes sermons, et de mes confessions. S 'il y avoit, Madame, quelque liberté à retrancher, je la supplie / (f'3r) tres hum­ blement de I 'atribuer à cette impertinente verve, dont je ne puis bien encore lier, ni corriger la fougue, et les saillies, et qui fait tous ses efforts pour communiquer à ma prose l 'air, et les licences de la poesie2. Tant y a, Madame, que je ne doubte point que les bontés de V.AR. n 'excuse [sic] toutes mes fautes, puisqu'elles sont innocentes, et point pour tout premeditées. Voici ma gazette. De Paris Monsieur le Chancelier ne branle plus dans sa fortune3, il ne fut jamais plus as­ seuré, ni plus ferme. Il est vray qu'on adjoute qu ' il pourroit bien estre de nou­ veau agité par l 'esperance du retour de sa premiere fortune, parceque les choses violentes ne sont pas de durée4. Monsieur le Garde des Seaux5 a trois qualités. La premiere, il n 'entend point du tout le Seau, et entend beaucoup les affaires d'estat. La seconde, il est trop haut à la main, et n 'aime pas avoir de compagnon. Et la demiere, il a un esprit sec, et de feu qui veut de l 'occupation. 2 Sur le style de Bailly, cf. aussi la lettre 1 82; Bailly aimatoute sa vie lapoésie et sa correspondance est parsemée de vers; il publia même, en 1 669, un recueil de poèmes intitulé Poèmes mêlés. Pour l'activité poétique de Bailly, cf. Maria COSTA, La compagnie des muses pour alléger les charges d'un évêché: quelques poèmes de Mgr Albert Bailly, dans Histoire et culture en Vallée d'Aoste, Mélanges offerts à Lin Co/liard, Aoste, Musumeci, 1 993, pp. 1 25-34. 3 Pierre Séguier; Dubuisson (op. cit., t. I, p. 23 1 ) rapporte qu'après qu'on lui enleva les sceaux, il se rendit à Pontoise, avec l 'intention de rester auprès de sa sœur, la mère Jeanne, supérieure des Carmélites, jusqu'au mois d'avril, et ensuite de séjourner à Rosny chez son gendre, le duc Maximilien de Sully, mari de Charlotte Séguier. 4 Effectivement, les sceaux lui furent rendus le 1 4 avril 1 65 1 , cf. lett. 99, n. 1 3 . 5 Charles de l 'Aubespine, marquis de Châteauneuf ( 1 580- 1 653); i l avait commencé s a carrière comme conseiller au Parlement de paris, en 1 603; ambassadeur en Hollande et à Bruxelles ( 1 609), en Allemagne ( 1620), à Venise puis en Angleterre ( 1 629), il fut appelé à la direction des finances en 1 6 1 1 avec Jeannin et de Thou; en 1 630 il succéda à Marillac comme garde des sceaux, mais en 1 633 il fut destitué et arrêté pour avoir conspiré contre Richelieu. Libéré en 1643, il fut rappelé à la charge de garde des sceaux le 4 mars 1650. MüRÉRI, op. cit., t. I, s. v. Au­ h espine.

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