La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 206 3 8 1 I l faut bien que j e sois innocent, e t fort persuadé que vous faites justice, quand vous la connoissés, puisque si franchement, aprés les etranges choses que vous avés dittes de moi, au lieu de me plaindre, je veux me justifier, et m' adresser à vous mesme pour estre absou des crimes dont vous m 'accusés. Et certes ces exemples sont bien rares, et aprés moi, il se trouvera peu de per­ sonnes qui veuillent estre jugés par les advocats de leurs parties, et sur tout par leurs parties. Et vous estes neantmoins l ' un, et l ' autre: vous estes ma partie, car vous pretendés que je vous ai offencée, et vous plaidez pour ma partie, par­ ceque vous avés ordre de N.2, ainsi que vous avés avoué à plusieurs, de publier que je J ' ay trompé, et trahi. Au mois demars 1650 (lett. 1 92), Bailly écrivait déjà que le marquis de Lullin, ne consentant pas au mariage susdit, le haïssait "avec grande injustice"; il serait donc possible d'identifier le frère et la sœur dont parle Bailly dans le corps de cette lettre avec le marquis de Lullin et sa sœur; au cours du voyage en Piémont, Bailly aurait travaillé à leur réconciliation (cf. f'3r), sans toutefois obtenir de résultat satisfaisant. En deuxième lieu, Billy semble s'être heurté au marquis de Lullin à cause du différend qui opposait les Barnabites de la Sainte-Maison de Thonon et le prieur Gillette. En effet, dans la lettre 184, Bailly affirme que le marquis de Lullin était très attaché aux intérêts de Gillette, qui lui aurait promis que, au cas où les Barnabites perdaient la cause en cours, il assignerait au monastère de Minimes que Lullin avait fondé à Thonon en 1 636 une partie des biens destinés aux religieux de saint Paul. En dernier lieu, une question d'argent aurait pu augmenter la haine de Lullin contre Bailly; celui-ci dit avoir travaillé pour lui faire assigner une somme importante pour "son voyage", soit l 'ambassade à Vienne pour la question de l ' investiture du Montferrat (cf. lett. 208, n. 5), mais encore une fois sans satisfaire pleinement le marquis (cf. f03v-4r de cette lettre). Si le marquis de Lullin semble avoir eu un rôle important dans la disgrâce temporaire de Bailly, la lecture de la correspondance de 1650 permet de supposer que le véritable artisan de cette conspiration fut Guillaume-François Carron de Saint-Thomas. Dès le mois de mai, Bailly se plaint des froideurs de celui-ci envers sa personne, tandis qu'à son retour à Paris, il cesse toute correspondance avec le premier secrétaire de la duchesse de Savoie, et qu'il l 'invite même à détruire toutes ses lettres adressées au Marquis (cf. lett. 207). Surtout, dans la lettre 2 1 0, il dit ouvertement qu'à l 'origine de ces efforts pour le discréditer, il y eut le marquis de Saint-Thomas ("Qu'ay-je fait à M. de Saint-Thomas pour mediter ma ruine ( ... )"). On ignore les raisons qui purent causer une telle brouille; le seul indice que nous possédons est constitué par un passage de cette lettre, où Bailly affirme avoir été accusé d'avoir mené M.R. à refuser une somme d'argent de vingt mille écus; or, le Registro Patenti ContolloFinanze pour l'année 1650 contient au f'l 42 la mention d'une donation faite au marquis de Saint-Thomas de mille ducatons, dus par héritage de son père à un tel Horatio Mocca de Cuneo, mais confisqués par suite du meurtre commis par celui-ci. Puisqu'on connaît le caractère rigoureux et quelque peu avare du marquis de Saint-Thomas, on pourrait supposer que l'une des raisons, peut-être la moins importante, de sa haine envers Bailly aurait pu être l 'attribution de cet argent. 2 Le marquis de Lullin; cf. lett. 2 1 3 ("une persone [Mlle de Rossillon] qui a eu ordre du M[ar­ quis] de Lutin de visiter toutes les bones maisons de Savoye, et de m'y dechirer") et note 1 .

RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=