La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello
382 Correspondance d' A. Bailly · 1649-1650 C'est donc <mo>na innocence, et vostre pretendue integrité qui me font hardi ment vous instituer mon juge, en vostre qualité d ' accusatrice, ne doubtant point que la mesme bouche qui m' a condamné sans m ' entendreb ne m' absolve aprés qu ' elle m'aura ouy. Je ne repondrei point aux chefs du memoire qu'on vous a envoié, qui concernent la court. Je sçaurei demeler cette affaire, et des-ja j 'ay travaillé utilement. M.R., la plus éclairée princesse du monde, sçait trop bien distinguer l 'interest d'avec le zele d'un accusateur pour porter un jugement precipité, et desavantageux à la personne accusée. \Et/c toute la court sçait que ce n ' est pas le motif du service de S.A. qui a fait declamer contre moi, mais l 'esperance d'obtenir d'elle, par ces mauvais offices, des choses qu'elle avoit tous-jours constamment refusées3. J' aprofondis trop, j 'ay pensé vous declarer un grand mistere. Mais puisqueje suis entré si avant en matiere presque imperceptiblement, devant que parler de vostre interest, disons un mot du mien. Aprés tout, que m 'oppose-t-on? Des bagatelles. Relisés, s ' il vous plaist, Made moiselle, / (f' l v) les articles de vostre instruction; epargnez vostre eloquence, ne parlés point, laissés lire le monde, etje veux passer pour le plus meschant homme du monde, si les lecteurs, et vous mesme n 'advoués que la matiere de mes accusations est celle de mes j ustifications, et de mon innocence. 0 que les \li belles trahissent souvent ceux/d qui les font, \servant/,e contre leur intention, à \établir/f la vertu qu' ils pretendent opprimer. Pour ruiner un homme qui a l 'honeur d' aprocher les grands, il faut l ' accuser de crimes considerables, et non pas de mediocres imperfections dont personne \n'est/ exempte, et les prouver fortement. Or, voions ce qu'on m 'oppose. Que je me vante des liberalités, et des graces de ma Maistresse, que je fais voir les presents que j 'ay receu de ses incomparables bontés, et que je les publie avec exageration. Il est vray, je l 'advoue, je celebre ses profusions partout, et c ' est toute ma joye d'en parler. Je voudrois avoir cent bouches, et tous les hommes pour auditeurs pour exprimer plus advantageusement, et avec plus de pompe la generosité de la plus digne, et plus reconoissante Maistresse de la terre. Les souverains, estant les images vivantes de nostre Dieu, veulent corn- 3 On n'arrive pas à dévoiler le sens de cette allusion; s'agirait-il de l 'argent auquel B ailly fait allusion plus loin, ou bien plus vraisemblablement de la résolution de la question de Thonon avec le prieur Gillette, auquel Lullin était si attaché?
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=