La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 206 383 me luy qu'on presche tous leurs bienfaits. Et certes si c 'est un crime d'exposer aux yeux de tout le monde les largesses de ma souveraine, et de ma Maistresse (carj 'ay l 'honneur d'estre à\elle/g par trois qualités, de conseiller, de theologien, et de predicateur de S.A.), il faudra deffendre à tout ce qu' il y a de riche en ses estats, de montrer leurs perles, leurs diamants, leurs tableaux, leurs meubles, leurs patentes, ou lettres d 'honeur, et le reste de leurs biens, puisqu'il est vray que tous ces tresors sont des bienfaits de leur Maistresse. Ah, cette premiere accusa­ tion est ridicule ! Tant y a que si c'est une offence de louer les bontés de Madame Royale, ce sera certainement un horrible crime de publier qu 'elle n'en a point, et de se pleindre de son menage, pour ne rien dire de plus odieux. 2°. On vous marque pour l 'un de mes crimes quej 'ay fait voir des lettres que Ma­ dameRoyalem'a fait l 'honneur de m 'escrire; je demande à ceux qui m'imposent cette liberté, et qui se vantent d'avoir veu ces lettres, ce qu'elles contiennent, et ce qu ' ils y ont veu d'important. Je defie tout le monde ensemble de pouvoir prouver / (f02r) ou rendre vraisemblable cette imposture. Les lettres que Madame Royale m' a fait l 'honneur de m'escrire en reponce des miennes sur des matieres indifferentes, ou de devotion, personne ne les a veues, la pieté de S.A. ne pouvant pas souffrir qu'on produise le bien qu'elle fait, et les emi­ nentes vertus qu'elle pratique; celles que j ' ay receues d 'elle en faveur des personnes pour qui j 'avois pris la hardiesse d' interceder, ou qui m 'asseuroient de la continuation de ses bontés contre les artifices dont des serviteurs peu affectionnés se servoient pour me persuader que j 'en estois privé, et que je ne devois point fonder d 'esperance sur l ' instabilité du cœur de Madame (car c ' est ainsi que la malice, et l ' ingratitude en fait parler), pour celles-ci je les ai pro­ duites , et affermi par la lecture de ces oracles les cœurs de ses bons servi­ teurs, et le mien dans l 'honeur du service de la commune Maistresse. Il y a desh Savoiards à la court qui le temoigneront, et mesmei j 'ay emploié tres souvent les caracteres pretieux de Madame Royale comme autant de charmes tout puissants pour consoler celuy qui vous escrit dans ses impatiences, et ses soupçons. Et vous avouerés bien, Mademoiselle, s 'il vous plaist, qu'on l ' a mal conseillé (car de luy mesme, i l n 'est pas capable d e faire de cette nature de fautes) d 'essaier de tourner contre moi les armes que je luy avois mises en main pour combatre ses deplaisirs, et de convertir en venin, \qu '/j il veut maintenant me faire \boire/I, l 'antidote que je luy avois fourni contre ses maux. Mais je vous demande, Mademoiselle, qui ne fait voir les lettres qu'on reçoit de Madame. Et peut on faire plus clairement paroistre 1 ' estime qu'on fait des bones graces de S .A. qu'en se louant de recevoir ses presents? Vous

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