La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

384 Correspondance d' A. Bailly - 1649-1 650 en avés receus d ' elle, vous les avés montrées; celuy qui vous escrit produit toutes celles qu' il reçoit avec eclat. Et vous en estes tous deux louables. / (t'°2v) Et j ' ay veu en France des personnes de condition faire une infinité de copies des lettres qu '\elles/ recevoient nonm seulement de la Reyne, mais mesme d'un chancelier, et de les envoier dans les provinces pour montrer qu'on avoit l ' hon­ neur d 'estre considerés. Et ceux qui les voioient ne blamoient point ces li­ cences, parce qu'ils conoissoient assés qu 'elles estoient glorieuses à ceux qui escrivoient, estant certain qu'il faut bien faire grande estime du pouvoir, et de la faveur de ceux dont on fait voir les lettres pour en tirer quelque avantage. Mais vous adjoutés qu 'on vous doit dire d'autres extravagances qu'on n 'oseroit confier au papier. Je sçay bien ce qu'on veut vous dise, et vous le devinés assés. 11 est encore tout vray, j'aime Madame Royale et avec des tendresses extremes; et pleust à mon Dieu que ceux qui blament J 'n amour respectueuse, et sainte quej 'ay pour son ame fussent dans la peinè de recevoir de pareils reproches. Je le repete, j'aime Dieu, et j ' aime d'une mesme amour S.A. et que jajustice divine fasse tom­ ber ses foudres surmon cœur quand il cessera d'aimer M.R., que Dieu m'ordonne, et à tous ses sujets, d'aimer plus que ceux qui leur ont donné la vie. Cette folle objection est indigne de m'arreter, et lartifice dont elle est platrée trop grossier, pour ne pas me faire comprendre qu'on travaille à me detacher, par cette medisan­ ce, d'un glorieux service, dans lequel je mourrei aprés y avoir vescu avec fidelité, et avec zele. Mais avoués, Mademoiselle, que si c'est un crime d'aimer les princes pour eux mesmes, comme l ' on m' accuse avec beaucoup d'horreur, certes c'est quelque chose de plus que crime de ne les aimer quepour leurs biens, et de mena­ cer de les quitter des qu'il n'y aura plus d'esperance d'en avoir. Nous appelions cet­ te demiere amour, en theologie, amour servile, et lasche, et l ' autre amour filiale, et genereuse. Ainsi mes accusateurs me font cette grace, malgré eux, de publier que j'aime Madame Royale comme les saints aiment Dieu. Elle le sçait assés, et S.A. nous conoit mieux que nous ne nous connaissons nous mesmes; on n'a jamais re­ marqué qu'elle m'ait fait affront, ni mauvais visage, quand je luy ai parlé de l'amour que j 'ay pour'l son service, et pour sa gloire. / (t'°3r) Enfin, on courone les objections dont le libelle est plein, de celles que les intrigues que j ' ay eu à la court ont si fort lassé M.R., M. le marquis de Pianesse, et M. le comte Philippe4, qu'on m' a commandé de me retirer, et que j 'ay bien eu de la peine à obeir, et à me detacher de la court. 4 Carlo Emanuele Filiberto de Simiane, marquis de Pianezza (cf. lett. 1 94, n. 1 ) et Philippe de Saint-Martin d'Aglié, favori de la duchesse (cf. lett. 1 62, n. 1 2).

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