La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 207 393 Il n ' y a pas un sou à la Court7. Son Eminence a boursillé pour faire cent mille escus qui luy sont necessaires pour son voiage. La table de M. le duc d'Anjou renversa ces jours passés, et il a dépuis mangé avec le Roy. Deux frondes notables. La premiere est composée de la Reyne, de M. le duc d 'Orleans, de M. le Car­ dinal, de Madame de Chevreuse, et de M. le Garde des Seaux8. Cinq testes en un bonnet. La seconde de M. le duc de Beaufort, de M. le Coadjuteur9, de Madame de Mombason et de quelques conseillers. Cesg duchesses sont tres mal ensemble, la duchesse de Chevreuse se pleint qu' aiant rendu trois visites à Madame de Mombason, celle-ci ne luy en a ren­ du qu' une. Mais ce n ' est qu'un pretexte. Elles ont bien d'autres griefs 1 0. 7 A ce propos, cf. l 'extrait des carnets de Mazarin, transcrit par Chéruel, op. cit., t. IV, p. l99, qui contient des directives pour la régente Anne d'Autriche dans ses rapports avec le duc d'Orléans, qui venait d'être gagné au parti frondeur: "apres huit ans de régence, ses affaires [de la reine] sont en pire état qu'elles n 'étaient devant. Elle n'a augmenté d'un sol son revenu; elle doit deux cent mille écus plus qu'elle ne devait; elle n'a pas fait affaire extraordinaire pour un sol. Sa maison depuis trois ans n'a pas eu le tiers de ce qu'on était accoutumé de lui donner par le passé; tous ses serviteurs se plaignent de mourir de faim." Tout intéressé qu'il est, ce discours ne manque pas de vérité; en effet, la guerre avec les Espagnols en Flandre et la guerre civile lors de la Fronde parlementaire avaient laissé les finances en un état déplorable. 8 Le sceaux avaient été donnés à Châteauneuf le 2 mars 1 650, cf. lett. 1 89, n. 3. 9 Mazarin avait refusé à Retz le chapeau de cardinal, qui lui avait été promis par la princesse Palatine Anne de Gonzague, en échange de son union au parti des Princes. La vieille Fronde s'unit donc avec le parti des Princes par un accord entre la Palatine et le Coadjuteur, signé le 5 novembre 1650. En outre, le discours tenu par La Grange au parlement le 1 2 novembre, en faveur de la libération des Princes (cf. J. V ALLIER, op. cit. . t. II, pp. 2 1 7- 1 8) fut accueilli assez favorablement par cette compagnie, ce qui signifiait que les parlementaires aussi avaient pris parti pour la nouvelle Fronde. CHÉRUEL, op. cit., t. IV, p. 1 95-96, 207. 1 0 Dubuisson (op. cit., t. 1, p. 334) notait à la date du 14 octobre le commencement de la brouille entre la duchesse de Montbazon et Madame de Chevreuse pour une question d'argent: "Prepa­ ratif ou commencement de brouillerie entre les dames de Chevreuse et de Montbazon, celle-là voulant ravoir de celle-ci une promesse de cent mille livres que le duc de Chevreuse autrefois lui avoit faite." Nous rappelons au passage que la duchesse de Chevreuse était la belle-fille de Madame de Montbazon, malgré la petite différence d'âge (Mme de Chevreuse, née en 1 600, avait une dizaine d'années de plus que la duchesse de Montbazon, née vers 1 61 0- 1 6 1 2). En effet, Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse était la fille d'Hercule de Rohan, duc de Montbazon et de sa première femme, Magdeleine de Lenoncourt (cf. TALLEMANT des RÉAUX, op. cit . . t. II, p. 2 17).

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