La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 99 49 les services ont une eloquence qui persuade bien plus efficacement que la langue, ni la plume. C 'est mesme ce que V.A. m'a fait l 'honeur de m'aprendre para cette incomparable lettre qu'elle a daigné m'escrire / (f0 1 v) toute de sa main7 disant, avec son eloquence ordinaire, que je ne devois point juger de l 'augmentation, ni de la diminution de son affection par la frequence, ni par la rareté de ses lettres. Ce sont ses propres termes. Je veux donc, Madame, m' at­ tacher aveuglément à cet oracle. Mais que je suis ingenieux à chercher de la consolation ! Je ne sçai, si je ne me flate point, ou si je prens de bons conseils. V.A.R. seule le sçait, et peut m'en éclaircir. Cependant je continuerei de luy donner de nos nouvelles. Monsieur le Lieutenant Criminels prit la peine de me venir voir hier bien tard, et me dit qu'on avoit presenté une requeste au Parlement au nom des trois Es­ tats9 contre l 'Administration de Son Eminence 1 o et avec des outrages tout à fait atroces, et dignes de punition exemplaire. Aussi que M. le Lieutenant Civil 1 1 avoit si utilement travaillé, qu'il avoit fait prendre l 'imprimeur de cette étran­ ge piece, et mesme des-ja condanné à faire amende honorable en Greve, et à un 7 Cette lettre de M. R. n'a pas été retrouvée. 8 Jacques Tardieu ( 1 593 - 1 665), conseiller au Parlement de Paris en 1 620 et lieutenant criminel à partir de 1 635; son avarice a été ridiculisée par Tallemant (G. TALLEMANT DES R É AU X , Historiettes, éd. A. Adam, Paris, Gallimard, 196 1 -62, 2 vols ("Bibliothèque de la Pléïade"), t. 1, pp. 657-58) et par Boileau, dont il était le parrain (BOILEAU, Oeuvres complètes, Paris, Gallimard, 1966 ("Bi­ bliothèque de la Pléïade"), pp. 43, 69, 449, 753-54). En 1 665, Tardieu et sa femme, Marie Ferrier, furent assassinés chez eux par deux voleurs. Cf. A. LEBIGRE, Les dangers de Paris au XVII e siècle. L'assassinat deJacques Tardieu, lieur.enanr criminel au Châtelet de Paris, er de safemme (24 août 1665), Paris, Albin Michel, 199 1 . Quant à la fonction du lieutenant criminel, elle consistait dans l'instruction des procès criminels et, avec l 'assistance de sept juges, dans le jugement en dernier ressort des cas prévôtaux; cf. M. MARION, Dictionnaire des institutions de la France au XV/le el XVI/Je siècles, Paris, Picard, 1979 - réimpr. éd. originale 1923, p. 335. 9 Bailly fait allusion à une mazarinade intitulée Requesre des trois Esrars presenrée à Messieurs du Parlement; elle porte le n. 3494 dans la Bibliographie des Mazarinades de Moreau (C. Mo­ REAU, Bibliographie desMazarinades, New York, Johnsons Reprints, 1 966, 3 vols.) et a été re­ produite en entier par Omer Talon dans ses mémoires (0. TALON, Mémoires, éd. Champollion­ Figeac, A. Champollion fils, Paris. Librairie Féchoz et Letazey, 1 839 ("Nouvelle Collection de mémoires relatifs à l'histoire de France; par MM. Michaud et Poujoulat", 29), pp. 3 1 6- 1 7); sur cette pièce, cf. aussi M. N. GRAND-MESNIL, Mazarin, la Fronde et la presse, Paris, Colin, 1 967 ("Kiosque"), pp. 1 1 4- 1 5 et H. CARRIER, La presse de la Fronde, cil., t. I, p. 22 1 . I O Jules Mazarin ( 1 602- 1661 ), ministre d'Etat dès 1 642. l l Dreux d'Aubray ( 1 600- 1 666); le lieutenant civil était le chef du Châtelet et tenait la chambre ci­ vile, en jugeant lesaffaires sommaires; il est également le conservateur des privilèges de l'Univer­ sité de Paris. A l'époque qui nous concerne, il dirige aussi la police (M. MARION, op. cit., p. 335).

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