La correspondance d'Albert Bailly Volume II Années 1649-1650 publiée sous la direction de Gianni Mombello

52 Correspondance d'A. Bailly - 1649-1650 Son Eminence, protestant que luy seul faisoit tout le bon-heur de la France, qu 'il estoit le ciment de la paix, et que si l 'on le perdoit, le Royaume se[ro] it deschiré par des guerres civiles, et etrangeres. Dieu veuille, Madame, que nostre Parlement reconoisse / (f02v) bien cette importante verité, et que 1 ' in­ terest de quelques factieux particuliers n'altere toute la Republique. On com­ mence à croire que ce grand corps pourra se diviser, et des-ja la Cour des Aides, et la Chambre des Comptes se soustraisent à cette violente domination, et mon­ trent de vouloir obeir au Roy20. Tout le monde y travaille et particulierement les religieux que le Parlement a mal traités par les arrests qu'il a donnés, qu 'il n ' y aura à l ' avenir que deux seuls docteurs de chaque maison qui puissent as­ sister aux assemblées de l 'Université, et le Roy, au contraire, les a maintenus dans leur ancïen privilege21 . 20 L'épisode auquel on fait référence ici est la discussion qui eut lieu à la fin de décembre 1 648 entre la Grande Chambre et la Chambre des Comptes au sujet de la déclaration que le Roi avait adressée aux Comptes, et qui autorisait les prêts (contrairement à ce qu 'avait établi la Déclara­ tion d'Octobre). En effet, la déclaration du Roi fut envoyée le 29 décembre et suscita des opi­ nions contraires au sein de la Chambre des Comptes elle-même; ces oppositions sont relatées par Dubuisson-Aubenay (F. N. DUBUISSON-AUBENAY, Journal des Guerres Civiles, 1648-1652, éd. G. Saige, Paris, Champion, 1 883-1 885, 2 vols, t. l, pp. 98-99). Finalement, une députation futenvoyée au Parlement par les Comptes le 3 1 décembre, pour discuter de la question; mais les députés répondirent de façon sybilline et ambiguë aux questions du premier président Molé et pour cette raison, d'après le témoignage de J. Vallier, ce dernier avait fait comprendre que "si les Comptes donnaient un arrêt sans le concerter avec le Parlement, la Cour en donnerait un contraire, ce qui mettrait les deux compagnies l 'une contre l 'autre" (J. V ALLIER, Journal, éd. H. Courtault, Paris, Renouard, 1 902- 1 9 1 8, 4 vols. ("Société de ! ' Histoire de France"), t. !, p. 285; cf. aussi O. TALON, op. cit., p. 1 34). 21 En juillet 1 648, deux docteurs de Sorbonne proches de la doctrine janséniste demandèrent à la Faculté de faire respecter un arrêt du Parlement datant de 1 626 et limitant à deux pour chaque ordre le nombre des religieux mendiants pouvant être admis aux délibérations. L'application de cet arrêt, cassé deux fois par le Conseil d'Etat, avait été demandé pour conjurer l'agrégation à la Faculté de François Véron, ancien Jésuite auteur de deux libelles anti-jansénistes, et ! 'approba­ tion de ses ouvrages. Ceux-ci avaient été approuvés par deux franciscains docteurs de la Faculté et leur auteur était soutenu par le syndic de la Faculté, Nicolas Cornet. L'affaire fut plaidée au Parlement le 1 1 août et on régla que, suivant les arrêts de 1 626, le nombre des docteurs men­ diants participant aux réunions était limité à deux pour chaque ordre. Lorsque l 'arrêt fut signi­ fié à la Faculté, l 'opposition fut importante, ce qui causa que l'affaire fût de nouveau remise au Parlement, qui décida de renvoyer toute discussion à la Saint-Martin. La Faculté décida donc de repousser l'application de l'arrêt et de s'en tenir à l 'ordonnance royale de 1 626 qui rétablissait les religieux dans leurs privilèges. J. M. GRES-GAVER, Le Jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, Paris, Klincksieck, 1 996, pp. 52-56; l'auteur de cet ouvrage commente ainsi cette question: "Cette affaire du vote des mendiants montre avec évidence que les troubles de la Fronde avaient atteint la Faculté: opposer ainsi une ordonnance royale aux décisions d'un Parlement alors dans son ascendance, c'était prendre un parti grave" (ibid., p.55).

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