La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello

1 38 Correspondance d'A. Bailly - 1651 Pour le mariage de Mademoiselle de Chevreuse avec M. le prince de Conti, on en parle diversement et quelques politiques pensent que M. le Prince est assés subtil / [f0 3v] pour faire naistre des obstacles à cette alliance26• Celuy de la constitution de son frere, tres faible et tout mal saine, ( car, Madame, c ' est une squelette) pourroit bien servir de pretexte à la rupture. Il y a encore à remarquer que Mademoiselle de Chevreuse est tres belle, tres cajollée et tres capable de donner martel en teste21 au Prince. Neantmoins la plus saine partie28 tient ce mariager infaillible et nullement douteux. Pour ce qui est des offres de Madame de Chevreuse, je prendrei la hardiesse de luy dire ingenument comment sa prudence en pourroit user. Il est certain que, dans l'orage, Madame de Chevreuse est et sera tous-jours la plus puissante' de l' Estat et qu' elle pourra tout ce qu' elle voudra, mais, hors de la tempeste et dans le calme de nos affaires, qu' il plairra à Dieu de nous donner avec la majorité du Roy, qui sera le 5 du mois de septembre prochein, ou enfin, avec le temps, car, aprés tout, la guerre doit un jour finir, par la maxime que les choses violentes ne sont pas de durée, c ' est à dire perpetuelles, alors cette Duchesse pourroit bien manquer de pouvoir et revoir les pais étrangers29• C ' est pourquoy, Madame, par mon sentiment, qui sera tous-j ours respectueusement soumis à vos incomparables lumieres, il n ' y a point de danger que V.A.R. la paie de grandes civilités, mais qu' elle proffite 2 6 Le mariage sera effectivement rompu le 1 5 avril. Cf. doss. 228, note 10. 27 «Ün dit il a martel en tête pour dire il y a quelque chose qui donne du souci, de l'inquiétude, de la jalousie». Antoine FURETIÈRE, op. cit. , t. II, p. 82. 28 L'expression la plus saine partie indiquait un avis prépondérant sur une question de coutume, dans un sens j uridique. Toutefois cette phrase peut être rapprocheée de la préface aux Remarques sur la languefrançaise de Vaugelas qui utilise la même expression pour désigner ceux qui, à l'intérieur de la communauté culturelle constituée par la cour, ne sont pas contaminés par les mauvais usages des langages régionaux, populaires et techniques. L'influence du grammairien sur le style de Bailly est d'ailleurs assez évidente dans la prose de notre barnabite. Cf. Claude Favre de VAUGELAS, La préface des «Remarques sur la languefrançaise», éditée avec introduction et notes par Zygmunt MARZYS, Genève, Droz, 1 984. 29 Madame de Chevreuse avait été exilée à plusieurs reprises. Cf. doss. 2 14, note 1 8.

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