La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello

190 Correspondance d'A. Bailly - 1651 M. de la Chambre5, medecin du Roy et de M. le Chancelier, vient de sortir de ma chambre et de me dire que le dernier ne cesse de louer la generosité de V.AR ., mais avec excés. / [f° 1 v] Je l ' ay prié de me dire ingenument ce que M. le Chancelier et toute la Cour pensaient du retour de M. le Cardinal. Il m'a repondu que tout le monde le tenait impossible et qu'il ne reviendrait j amais. Voici ses raisons, qu' il a appellé essentieles. La premiere que la Reyne commençait de gouter les douceurs de l ' indepandance et connaissait l' advantage qu' il y a de commander sans contre-roolleur; qu'effectivement le Cardinal la tiranisoit, faisant tout de son chef et s ' opposant à tout ce que cette pauvre Princesse proposait, jusques là que, par une derniere hardiesse, il traita un jour la Reyne avec tant d' ignominie dans un Conseil, où elle avait parlé fort judicieusement contre le sentiment de cette Eminence, qu' il luy echappa de luy dire, en colere, qu' elle faisait la sçavante. Et luy ayant opposé que, peut estre, l'inclinationc de la Reyne l' emportroit sur sa propre satisfaction, il m' a dit que non et qu' outre \que/ son amitié a tous-jours esté tres reglée, l ' ambition et le contentement de commander maintenant en chef à un si grand Royaume etouffoient toutes ses mediocres pantes. Sa seconde raison a esté prise de la joye qu' avaient // [f' 2r] Messieurs de Servient, de Lyone et tous les autres ministres de se voir hors de servitude et affranchis de l'insupportable joug de la mauvaise humeur, de l'ingratitude et de l' orgueil du Cardinal, dont ils estaient plus opprimés qu' accablés; et qu' ils se servaient maintenant de l ' occasion pour faire leurs affaires et aliener la Reyne et cet Eminent6• 5 Marin Cureau de la Chambre ( 1596- 1 669), médecin et homme de lettres. Il était depuis 1 630 lemédecin du chancelier Séguier à qui il dédia son ouvrage Du caractère despassions paru en 1640. Il fut l'un des fondateurs de l'Académie Française et membre de la première Académie des Sciences. En 1 650 il acheta la charge de second médecin ordinaire du roi. Bailly était parmi ses patients. Cf. René KERVILER, Marin et Pierre Cureau de la Chambre (1596-1693), Le Mans, Pellechat, 1 877; DBF, cit., t. IX, 1 96 1 , col. 1 39 1 - 1 393. 6 Sur l'éloignement de Servient et Lionne cf doss. 240, note 1 .

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