La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Dossier 230 1 93 Il arriva donc, hier, qu' au disner de la Reyne, le Roy, mangeant avec elle, il ne se I [f0 3v] trouva qu' une femme pour servir, ce que voyant, Madame l ' abbesse de Frontevaut13, qui estoit presente, demanda1 permission à la Reyne de servir Leurs Magestés et l' aiant obtenue, comme elle voulut servir le Roy, luy, qui est extremement propre, voiant cette religieuse embarrassée dans ses grandes manches et assés mal propre, outre qu' elle est fort pale, il prit de l' aversion contre elle, et dit brusquement: «Maman, otés moi cette femme mal propre de là, autrement je ne disnerei point». Ce qui fit eclater de rire la Reyne, qui ne pouvait parler, ni representer au Roy la qualité et le merite de l'Abbesse. Enfin la comedie dura quelque temps et la Reyne eut toutes les peines du monde de se remettre et de persuader au Roy qu' il souffrit cette fille14• Il m' a dit aussi que le Roy adore effectivement la Reyne, sa mere, qu' il menace hautement, quoique d' ailleurs tres reservé, tous ceux qui la faschent, qu' il étudie beaucoup avec une notable proffit, qu' il compose bien en latin, sçait toute la carte, l'histoire et les mathematiques en perfection; qu'au reste, il aime Dieu, parle peu, ne souffre point les medisans ni les vitieux, et qu' il abhorre aussi beaucoup la vice. // [f0 4r] Je viens de taloner de si pres M. le Baron de Sainte Fricque, tout indisposé qu' il est, aussi bien que moi, d'un grand rume, qu' il est allé attendre M. le duc d'Orleans à l' entrée du Conseili avec resolution de le quereler pour les etappes que V.A. demande et pour tous ses autres interets, auxquels il prend plus de part que j amais, par l ' esperance qu' il a de faire changer son mareschalat de Catalogne en celuy de Piemont, où il pretend aller servir cette campagne15• Je viens de le dire à M. l 'Ambassadeur que j' ay trouvé dans les remedes. 13 Jeanne-Baptiste de Bourbon ( 1 608- 1 670), fille naturelle de Henri IV et Charlotte des Essarts, demi-sœur de la duchesse de Savoie. Depuis 1 637 elle était abbesse de Fontevraud. Cf. DBF, cit., t. VI, 19.'.54, col. 1 402- 1403; Gallia Christiana. . . , cit. , t. Il, col. 1 328. 14 Nous n'avons retrouvé aucune mention de cette anecdote concernant l' abbesse de Fontevraud, dont Bailly dit être le confesseur. 15 Sur la requête de financements pour les étapes cf. doss 228, note 1 7 . Sur la nomination de Sainte Frique au Piémont cf. doss. 229, note 24.

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