La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello

1 8 Correspondance d'A. Bailly - 1 651 Le 1 6 février les princes rentraient donc à Paris en triomphateurs et ils n ' avaient qu' une pensée: regagner le pouvoir et reprendre la tête des frondeurs. Comme prévu par le traité du 30 janvier, le lien qui devait réunir la maison de Condé à la Fronde était le mariage projeté entre mademoiselle de Chevreuse et le prince de Conti. Dans un premier temps tout le monde semblait être d' accord mais la reine comprit très vite les dangers que cette union pouvait représenter pour le pouvoir royal et, sans doute conseillée parMazarin, elle décida de négocier avec Condé pour parvenir à la rupture du mariage. Elle offrit au prince, en échange du gouvernement de la Bourgogne qu' il possédait déjà, celui de la Guyenne ainsi que celui de la Provence pour son frère Conti. Cela aurait permis aux princes de contrôler tout le midi de la France grâce aussi à un réseau d' amitiés et de «fidélités» qui les liait à plusieurs personnalités: le duc de La Rochefoucauld en Poitou, le duc de Rohan-Chabot en Anjou , le duc de La Force en Périgord, le comte du Daugnon à la Rochelle et en Saintonge. Le 3 avril la reine se résolut en outre à reprendre les sceaux à Châteauneuf, qui avait dévoilé le secret de sa fuite, pour les donner au premier président du Parlement Molé, à rappeler au conseil le vieux chancelier Séguier et à nommer ministre Chavigny, ennemi de Mazarin et de Gaston et ami de Condé. Après quelques hésitations Condé accepta ces propositions, persuadé par sa sœur, la duchesse de Longueville, qui, très jalouse, «ne trouva pas à propos de mettre unepersonne dans safamille qui, étantfemme de sonfrère, l 'auraitprécédée partout et qui, plusjeune et aussi belle, l 'aurait pu effacer ou du moins partager avec elle le plaisir de plaire et d 'être louée»54• Le 1 5 avril le mariage fut donc définitivement rompu, avec des consé­ quences politiques graves pour l ' histoire de la Fronde. La duchesse de Chevreuse «enfut offensée au dernier point et attira dans son ressentiment toute la cabale de la Fronde, qui s 'unit avec elle dans le 54 Françoise Bertaut, Madame de MOTTEVILLE, Mémoires, Nouvelle collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France depuis le Xlll0 siècle jusqu'à la fin du XVIIl0 siècle parMichaud et Poujoulat, Paris, Librairie de Féchoz et Letouzey, 1 8 8 1 , tome XXIV, p. 387.