La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello

1 98 Correspondance d'A. Bailly - 1651 «Üh, que Madame Royale a perdu», me disait-elle de temps / [f" l v] en temps, «en la mort de ce vertueux Prince. Il l ' aurait fait regner glorieusement et elevé la Maison de Savoye au plus haut point de la grandeur». Voici, Madame, l ' abregé des desseins de ce Roy, qu'elle m' aprit. Que l 'aiant mandé à Saint Germain, il luy dit qu' il voulait qu'elle se chargea de l'education de ses deux niepces de Savoye, dont il en avait destiné l ' une pou!" femme de son fils et l' autre pour coadjutrice de cette Abbesse; qu' elle comrnandat à son intendant de se tenir prest pour les aller querir, et que, cepandant, elle fit provision et preparat leurs meubles et les habits de leurs gens de sa livrée, et qu' il voulait qu' eux, aussi bien que tout le reste de leurs serviteurs, fussent français. Elle se tût achevant ses mots et je luy repondis que les volontés du Roy pourraient bien encore s' accomplir en un chef, sinon en tous deux, et que nous avions une Princesse ornée de tout le merite qui peut et doit se rencontrer en l'epouse d'un Roy. Et qu' elle, qui avait tant de pouvoir et une si grande et juste part aux affections de la Reyne et de M. le duc d'Orleans, pourrait bien // [f0 2r] proposer et faire un double mariage, à sçavoir de nostre Princesse3 avec le Roy et nostre miraculeux prince avec Mademoiselle d'Orleans qui, dans six ans, serait en estat de porter la courone de Chypre4• 3 Yolande Marguerite de Savoie. Sur les projets de mariage entre Yolande Marguerite et Je Louis XIV cf. aussi doss. 2 1 4, note 38. 4 Même si les Turcs exerçaient la souverainté sur ]' Î le de Chypre depuis 157 1 , une longue dispute existait entre le duché de Savoie et la République de Venise au sujet de la révendication du titre de roi de cette île. La maison de Savoie prétendait ce titre car au XVème siècle Louis de Savoie avait épousé Charlotte de Lusignan, héritière unique de la dignité royale sur l'île. La République de Venise avait pris possession de 1 'île, qui lui avait été léguée par Caterina Cornaro, veuve de Jacques de Lusignan, en 1 489. Christine de France tenait particulièrement à ce titre, puisqu'elle était la seule des filles d'Henri IV à ne pas avoir épousé un roi. Les rapports diplomatiques entre la Savoie et la République de Venise furent interrompus jusqu' en 1662, au moment de la majorité de Charles Emmanuel. Sur le titre de roi de Chypre cf. Francesco COGNASSO, 1 Savoia, Varese, Dall'Oglio, 1 97 1 , pp. 398- 399; Robert ORESKO, The house ofSavoy in searchfor a royal crown in the seventeenth century, dans Royal and republican sovereignty in early modern Europe, Essays in memory of Ragnhild Hatton, edited by R. Oresko, G. C. Gibbs and H. M. Scott, Cambridge University Press, 1 997, pp. 272-350.