La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello
Dossier 231 1 99 Ce discours luy plût merveilleusement et me demanda si V.A.R. agreeroit bien ses alliances. Je luy dis que je n'en sçavois rien, n'estant pas assés heureux ni de condition à sçavoir ses secrets; mais qu' elle pouvait, de son chef et comme parente commune, prendre et choisir quelque bonne occasion et en ouvrirr adroitement le discours pour voir l' effet qu' il produirait. De ce discours nous passames à celuy des inclinations du Roy et me dit franchement qu' il n ' en avoit j amais eu pour la Princesse Adelaïde; qu' elle se trouva presente quand on luy fit voir le portrait de cetteg Princesse, que force dames, qui se trouverent presentes, comblerent de louanges («Car», me dit-elle, «Madame Roiale avait fait son parti à la Cour et y avait bien des amies») mais le Roy n ' en fit pas estime. «Peut estre», luy dis-je, «On avoit subtilment prevenu le Roy et detourné ses volontés de nostre Princesse, pour les luy faire tourner du costé / [f" 2v] d'Espagne»5• «Je ne le pense pas», repliqua-t-elle, «car il aime encore moins l' Infante espagnolle qu' il ne faisoit la Princesse Adelaïde et l ' autre-jour» adjouta elle, «tout devant moi , et fraischement hier, quelques dames luy aiant proposé le mariage d'Espagne et dit que cette Princesse là estoit egalement belle et amoureuse de Sa Magesté, jusques à dire que la paix dependoit de leurs nopces, et qu' elle ne se feroit jamais que le Roy de France et elle ne se fussent touché dans la main, ce Prince fit la moüe et dit qu' il n'en voulait point». Enfin, Madame, elle m ' aprit si bien le double et different caractere du Roy et de Monsieur6 que je reconus bien que le dernier se marierait par amour et que le Roy, aussi chaste que son pere, ne considereroit en une femme que la vertu et la raison d' estat. Aussi cetteAbbesse, toute esprit, me voiant sourire sur ce qu' elle me disoit des inclinations diverses des deux freres, elle adjouta agreablement que le Roy avoit toutes les inclinations grossieres et Monsieur le duc d' Anjou toutes les delicates et subtiles. 5 Bailly fait référence à Marie-Thérèse d'Autriche. 6 Philippe de France, duc d'Anjou.
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