La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello

2 1 0 Correspondance d'A. Bailly - 1 651 Le sujet est tres important et dont je suis tres instruit. Messieurs les ducs de Vandôme et d' Elbeuf pretendent tous deux la preference et le rang, l'un sur l' autre, pour leurs pairies et, comme la chose n ' a encore pû étre decidée, durant ces troubles, lorsque tous deux se sont rencontrés au Parlement, M. le duc d'Orleans les a tous-jours fait tirer au court-feu 1 1 , pour la preseance, attendant que leur different pût estre accomodé par des amis communs. Enfin, M. de Vandôme, en voulant voir la fin, presenta sa requeste au Parlement, concluant à preceder l' autre. Ce qui chocqua si etrangement le duc d' Elbeuf, naturellement violent et prompt, qu' il donna aussitost une autre requeste, et demandant que toute la succession de Madame de Beaufort, autrement Madame Gabrielle 1 2, fut adjugée à Madame d' Elbeuf13, sa fille et epouse du demandeur. La requeste ne portoit que cela; mais elle fletrissoit le duc de Vandome du dernier opprobre, par ses suittes et consequences, qui estoient de renverser l' estat et la condition / [f' 2v] du duc de Vandôme; et voici comment. 1 1 Il s'agit vraisemblablement de l'expression «tirer au court festu», utilisée dans le sens de tirer au hasard. Cf. Giuseppe DI STEFANO, Dictionnaire des locutions en Moyen Français, Montréal, CERES, 1 99 1 , p. 340. 1 2 Gabrielle d ' Estrée, marquise de Monceaux et duchesse de Beaufort ( 1 573 - 1 599), maîtresse d'Henri IV. Elle épousa Nicolas d'Amerval, seigneur de Liancourt. Dès septembre 1 592 elle abandonna son mari pour venir auprès du roi qu'elle ne quitta plus et, après la naissance de César de Vendôme, elle obtint de l'official d'Amiens un jugement de nullité de son mariage. Henri IV eut encore de Gabrielle Alexandre, chevalier de Vendôme, et Catherine-Henriette, mariée à Charles de Lorraine, duc d'Elbeuf. Cf. Edgar de LANOUVELLE, Gabrielle d'Estrée et les Bourbon-Vendôme, Paris, Calmann-Lévy, 1 936. I3 La duchesse d'Elbeuf, fille d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrée, réclamait à César, devant le Parlement de Paris, la restitution de la part qui lui était due dans la succession de leur mère. Elle prétendait qu'il était né adulterin avant la dissolution du mariage de Gabrielle et d'Amerval et que la sentence de l'official d'Amiens, intervenue après sa naissance, ne pouvait avoir d'effet rétroactif. Il n'avait donc pu recevoir du roi la donation du duché de Vendôme ni même hériter de sa mère le duché de Beaufort. L'avocat de la duchesse osait mettre en doute la naissance de César et l'attribuer à Bellegarde. Toute succession devait donc revenir à la duchesse. L'avocat de César combattait avec vigueur ces prétentions. Talon soutint le défendeur: d'après le vieux droit de la monarchie les enfants naturels pouvaient être légitimés par lettres du prince et recevoir des charges mais ils n'étaientjamais héritiers de leurs parents ni capables de succéder «ab intestat». Les deux enfants de Gabrielle étaient donc au même rang, le mariage avec Amerval n'ayant jamais légalement existé. Le Parlement rendit un arrêt très bref déclarant la duchesse d'Elbeuf irrecevable en sa poursuite. Sur le problème de la dissolution du mariage d'Henri IV cf. Pierre FERET, Nullité du mariage de Henri IV avec Marguerite de Valois, dans «Revue des questions historiques», 1 876, pp. 77-1 14.

RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=