La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello

258 Correspondance d'A. Bailly - 1 651 qu' il l' avoit dit hardiment à la Reyne. «Et ces jours passés, encore», adjouta­ il, «creignant qu' ong \n' agit encore avecque trop de chaleur, j ' en dis mes sentiments à la Reynel, luy representant qu' elle se comrnettroit et, peut estre, qu' elle succomberoit dans l' etat present des affaires». Je luy demandei l ' opinion qu'il avoit du train que pourroient prendre toutes ces querelles naissantes: «Tres I [f0 3v] mauvaise», me repondit-il. Et, effectivement, les apparences y sont et tres grandes. M. le duc d'Orleans s' est enfin declaré pour M. le Prince des lundi dernier. M. le Coadjuteur, tousjours plus puissant en a fait de mesme. Et M. le Chancelier me le dit, sur quoi luy aiant repliqué comment il pourroit estre ami de M. le Prince et de M[adame] de Chevreuse, qu' il voit tous­ jours, il me repondit que ce prelat avoit assés d' esprit et de conduitte pour les gouverner tous deux. Ainsi, Madame, il se faut dedire et ne plus appeller la sortie de M. le Prince pas de clerc13 ou precipitation mais un depart politique, concerté et arreté. Mardi passé, le Parlement estant assemblé et pressé par M. le duc d'Orleans d' opiner sur l' eloignement de Messieurs de Servient, Le Tellier et Lionne, il y eut deux advis. L' un, que l ' on demanderoit au Roy une nouvelle declaration, portant nouvelles deffences au cardinal Masarin de revenir en France, qui seroit registrée par la Cour; et l ' autre advis fût que le Parlement donnat arrest d ' expulsion contre les trois nommés, qui furent appellés: raison ou entendement, memoire et volonté du Cardinal, c ' est à dire son esprit et son ame. Il [t° 4r] La Grand' Chambre14 opina, alors, toute seule et, comme elle est presque toute à la Reyne, il n'y eut que six voix contre l ' eloignement de ces trois; et les autres, à sçavoir trente quatre, furent pour la declaration. 13 «Ün dit qu'un homme a fait un pas de clerc pour dire qu' il a fait une faute par ignorance». Antoine FURETIÈRE, op. cit. , t. I, p. 283. 14 Au sommet de la hiérarchie des chambres du Parlement, forte de vingt-cinq conseillers, de sept à dix présidents (les présidents «à mortier»), du premier président (nommé directement par le roi) et des «gens du roi», la Grand-Chambre comprenait les magistrats les plus âgés et les plus expérimentés, chargés de juger les causes les plus considérables.

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