La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello

68 Correspondance d'A. Bailly - 1 651 degenerent souvent en scrupules et elles m'ont plusieurs fois empesché de parler utilement pour moi, et mesme pour vostre service. Je vais faire un effort et, aprés tout, j ' ay bonne esperance de ma hardiesse, puisque je ne vous escrirei que ce que j ' ay acoutumé de dire à Dieu dans mes cheutes et dans mes peines: «Pourquoi m' avés-vous oublié et delaissé?» Au moins, Madame, il y a un siecle que V.A.R. me prive de ses lettres et, / [f0 1 v] comme ce silence me fait mourir, j e dois croire que V . A. , estant naturelement bonne et remplie de misericorde, elle auroit pitié de moi, si elle me conoissoit encore et ne m' avoit point oublié. Je sçay bien, Madame, que V.A.R. me répond secretement qu' elle ne veut pas contribuer au peché de vanité que ses pretieuses graces m' ont fait commettre jusqu ' à present, ainsi qu'on suppose, et que si elle me soustrait ces cheres satisfactions c' est pour me rendre moins criminel et non pas plus mal-heureux . Mais, presupposant que V.A.R. veut bien avoir la bonté de me permettre d' achever ma petite pleinte comme je l ' ay commencée, je prens la liberté d'opposer à la raison, dont elle se sert pour justifier sa rigueur, que, quand il seroit vray que j ' eusse fait ostentation de ses lettres, dont je ne demeure pas d' accord, tous-jours ma theologie m' aprend que ce ne seroit qu' un peché veniel et c' est une verité de foy que le peché veniel subsiste avec // [f° 2r] la grace divine. V.A.R., Madame, ne sera pas plus rigoureuse qu' un Dieu et ne me privera point, s ' il luy plaist, de l'honeur de ses bones graces pour l' avoir offencée venielement, sur tout que ce peché est si peu considerable qu' une goutte d'eau benite ou l 'oraison dominicale l'efface sans confession. Enfin, Madame, je luy jure sur ma conscience de ne j amais tomber dans cette faute, quand il y iroit de ma vie et, d' ailleurs, aiant suffisamment satisfait à mon pretendu peché par une penitence qui me rend méconoissable, il ne me reste qu' à me jetter, commeje fais, à genoux devant V.A.R. pour avoir mon absolution de cette offence que je ne confesse point, la confession n' estant pas necessaire, de precepte, à l 'expiation des pechés veniels.

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