La correspondance d'Albert Bailly Volume III Année 1651 publiée sous la direction de Gianni Mombello

86 Correspondance d'A. Bailly - 1 651 Il est vray que le Coadj uteur a l ' ascendant tout entier sur M. le duc d'Orleans et, dans la conjoncture de son authorité, sa passion pourrait bien I [f0 2v] l ' emporter par dessus celle de la Reyne4• V.A.R. verra 1' etrange proscription du Cardinal par l ' arrest ci joint et celle de son nepveu de ses niepces5 et de tous ses domestiques étrangers6• On ne voit aucun masque par Paris, mais on entend par tout: «Voici l' arrest contre Masarin et toute la masarinerie et le reste». L' autre jour un conseiller du parti du Cardinal s'estant meslé avec le peuple dans la cour du Palais, incognito, fut contreint à coups de poings de crier avec les autres: «Point de Masarin». Il estoit aisé de prevoir cet orage par le mepris qu' on Il [f0 3r] faisait de cet homme et un si haut point que publiquement les peres et meres en forme de dialogue demandaient à leurs enfans: «Es-tu Masarin?». L' enfant répondait: «Nani». «Qui es-tu donc?» «Je suis homme d'honeur». 4 Effectivement Retz avait convaincu Gaston de rompre avec Mazarin et de signer le traité avec les frondeurs (cf. doss. 2 1 7, n. 44). Le 3 1 j anvier il lui avait adressé un discours, rapporté dans ses Mémoires au style indirect (Cf. Cardinal de RETZ, op. cit. , pp. 572-573) , et analysé par Jacques Delon (op. cit., pp. 145- 147) comme exemple de grand art oratoire. Retz, qui souhaitait une rupture entre le duc d'Orléans et Mazarin, persuada Gaston que son indécision à libérer les princes le mettrait à l 'écart de la scène politique. Il avoua lui­ même dans ses Mémoires (op. cit. , p. 57 1 ) : «Nous employâmes deux ou trois jours à persuader Monsieur que le temps de dissimuler était fini». 5 Mazarin avait fait venir en France trois de ses nièces et un de ses neveux: Laure Mancini ( 1636- 1 657), qui épousa en 165 1 le duc de Mercoeur; Olympe Mancini ( 1 638-1708), qui épousa en 1 658 Eugène-Maurice de Savoie-Carignan, comte de Soisson; Michel-Paul Mancini ( 1636- 1 652) qui, après avoir reçu une bonne instruction à Paris chez les jésuites, s'engagea dans les troupes de Turenne et fut tué au combat du faubourg Saint-Antoine et Anne-Marie Martinozzi ( 1 637- 1 672), qui épousa en 1 654 le prince de Conti. Les trois premiers étaient les enfants d'une sœur du cardinal, Hieronyma Mazarini ( 1 6 10- 1 656) et de Michel-Laurent Mancini; l 'autre était la fille d' une autre sœur du cardinal, Laura­ Margherita Mazarini ( 1608- 1 685) et du comte Geronimo Martinozzi. Mazarin avait d'autres nièces et d' autres neveux qui n' étaient pas en France en 1 65 1 . Cf. Yvonne S INGER LECOQ, La tribu mazarine, Paris, Librairie Académique Perrin, 1 989; Amédée RENÉ E, Les nièces de Mazarin. Études de mœurs et de caractère au XVll' siècle, Paris, Didot, 1 856; Jacques HILLAIRET, lesMazarinettes ou les sept nièces deMazarin, Paris, Les Éditions de Minuit, 1 976; Robert ORESKO, The marriages ofthe nieces ofCardinalMazarin. Public Policy and Private Strategy, dans Frankreich im Europaïschen Staatensystem der Frühen Neuzeit, Sigmaringen, Jan Tborbecke Verlag, 1 995, pp. 1 09- 1 5 1 . 6 Bailly se réfère avec toute probabilité à l 'arrêt que le Parlement rendit contre Mazarin le 9 février (Journal du Parlement, cit., p. 40). La copie que Bailly aurait envoyée n'a pas été conservée.

RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=