La correspondance d'Albert Bailly Volume IX Années 1673-1676 publiée sous la direction de Gianni Mombello

1 66 Correspondance d 'A. Baillv - 1 673- 1676 vous l ' envoiant je luy dis ce qu' Ovide dit à son l ivre l ' envoiant de son exil à Rome : Sine me liber ibis in urbemfuge, sedpoteras tutior esse domi'. / [fO 1 V]d Monsieur le marquis de Chateau Morand4c disait un jour à Monsieur de Vaugelas5 que les ouvrages qu' il travaillait hors de Paris estaient mise­ rables au respect de ceux qu' i l faisait dans cette grande ville là. Et moi, Monsieur, qui escri s avec Ovide en Scytie6 et qui n ' ai qu'un esprit, j ' ose dire etranger et tres imparfait au respect de ce grand home, et qui suis banni de Paris depuis si longtemps, ne devrais-je pas trembler en vous osant presenter de meschants vers et une meschante prose à vous qui sans vous flater possedés presqu' au souverain degré tout le beau et tout le bon de l ' eloquence ? Une seule chose me console. C ' est l ' obeissance aveugle que je vous rends et que d' ailleurs je vous crois si veritablement mon pro­ tecteur que vous suprimerés mon eloge si vous le trouvez indigne de son sujet. J' atends cette grace de Votre Excellence et suis respectueusement, 1 Ovide, Tristia, livre I, élégie première, vers 1-2 : « Parve, nec invideo, sine me, Liber, ibis in Urbem Hei Mihi ! quo domono non l icet ire tuo » . Ovide composa pendant le long voyage vers Tomes, ville de la Mer Noire où il fut exilé, des élégies recueillies dans le premier l ivre des Tristia. Il ouvre son élégie en s' adressant à son livre, qu'il envoie à Rome en lui conférant la tâche de se faire son porte-parole auprès de ses familiers, ses amis et ennemis. 4 Bailly désignerait avec ce titre le célèbre écrivain Honoré d 'Urfé ( 1 568- 1 625), auteur de l 'Astrée et de la Sylvanire, fondateur, avec Claude Favre de Vaugelas, de l' Académie Florimontane, à Annecy. Il avait en effet marié Diane Le Long, dame de Château-Morand qui, en premières noces avait épousé son frère Anne D' Urfé. Jusqu'à son divorce celui-ci porta le titre de baron de Châteaumorand et son frère dut le porter ensuite. 5 Claude Favre de Vaugelas ( 1 585- 1 650), grammairien réputé, membre de l' Académie française. Sur sa profonde amitié avec Bailly, cf. G. MOMBELLO, Une lettre inédite de Claude Favre de Vaugelas (Paris, 20 décembre 1 647), «Studi testuali » , 1 , 1 988, pp. 1 34- 1 53 : IDEM, «Ce cher.frère . . . », cit., pp. 673-730: IDEM, Une lettre inédite de Claude Favre de Vaugelas à Anruine-Philibert (Albert) Baillv ( 7 janvier 1 650), Alessandria, Ed. dell' Orso, 1 989. 6 I l s'agit d' une partie de la Thrace, au sud-est de la Roumanie, qui formait sous l 'Empire romain la province de Scythie. Ovide nous a raconté son exil chez les Scythes dans ces ré­ cits navrants que sont les Tristes et les Pontiques. Il est certain que lorsque, dans le dernier trimestre de l 'an 8 après J.C., Ovide apprend la sentence d' Auguste qui le relègue aux fins fonds de la Mer Noire, c'est la désolation pour ce mondain, pour qui Rome était le centre du monde. http://bsa.biblio.univ- 1ille3 .fr/scythie.htm: http://revel.unice .fr/loxias/document.html ?id= 799. Bailly, relegué dans son diocèse d'Aoste, se compare à Ovide et il reprendra cette citation dans une lettre datée du 1 e• septembre 1 677 (A.S.T., Corte, Lettere Vescovi, m. 2 1 , n. 65) .

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