La correspondance d'Albert Bailly Volume IX Années 1673-1676 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 766 257 Je me mis à rire et, avec mon enjouement naturel, je lui repondis que, par mon respectueux et bien fondé avis, il / [f° 1 v] n ' en devoit epouser pas une de celles qu' i l me nomoit, particulierement Mademoiselle, qui n ' avoit plus de dents, ni l ' autre qui, etant de la maison de Lorraine et aiant une infinité de pauvres parents, il s ' atireroit, en se mariant avec elle, l ' aversion du roy et tous ces pauvres princes lotTeins pour lesquels hab i l ler sa garderobbe ne suffiroit pas. Enfin, Monsieur, pour couper court, je penetrei dans son veritable panchant et l u i dis en riant qu ' assurement il s' etoit mepris et que pensant nomer Mademoiselle de Nemours il avoit nomé Mademoiselle d'Elbeuf. Il me fit, selon sa coutume un peu contrariante, cent objections là dessus et auxquelles je repondis si pertinemment qu ' enfin, en me prenant la main et mesme en la baisant, il m ' avoua que toute sa pante etoit tournée vers cette princesse et au mesme temps i l me commanda de faire son por­ trait et de le lui envoier. Vous conoissiés le feu de ses passions. Elles etoient toutes violentes et imperieuses. Apeine me dona-t-il / [f0 2r] le reste de la journée pour travai ller ce grand ouvrage. Enfin je le fis et le lui envoiei . I l en fut si satisfait qu' il me commanda d' ecrire à Madame de Nemours5 qu' il souhaitoit epouser Mademoiselle sa fille ainée mais qu' il creignoit que le prince Charles6 ne l ' eut prevenu dans un semblable dessein . Et entre vous et moi, Monsieur, me parlant de notre princesse il me dit qu' i l creignoit qu' e l le n ' aimat plus le prince de Lorreine que lui, et que, si cela estoit, il en mourroit de douleur, ajoutant ces mots : « Monseigneur d' Aoste, en matiere de j alousie ce qu' une montagne est aux yeux d'un autre, un atome l ' est aux miens ». Tant y a que je le gueris . Je vins à Aoste, je lui envoiei ma lettre concertée pour Madame de Nemours. Il la trouva bien faite et / [[° 2v] i l prit la peine de la faire rendre à cette princesse. J' envoie à M.R. l a reponce que ce prince me fit 7 . El l e a desja veu celle que je receus de Madame sa mere d' heureuse memoire8, escrite de la propre main de M.R. , pour montrer, e t cela soit d i t en passant, que j e sui s en possession de pre­ tendre quelques jolies et douces lignes de sa main. Elle trovera dans cette lettre du Prince son epoux bien des ratures et i l fallut qu'elles se fissent car il me commandoit de me disposer à aller incognito à Paris pour ce mariage et me prescrivoit certaines manieres et precautions pour agir, qu' il ne vou- 5 É lisabeth de Bourbon Vendôme, duchesse de Nemours. 6 Charles-Léopold-Nicolas-Sixte de Lorraine, dit prince ou duc Charles. Sur le projet de mariage entre Marie-Jeanne-Baptiste et le duc Lorraine cf. lettre 747. 7 Cf. Appendice. lettre R. 8 Cf. Appendice. lettre P.

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