La correspondance d'Albert Bailly Volume IX Années 1673-1676 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Introduction 25 Ses vertus Ses i ncl inations sont toutes genere u ses et nobles, son h umeur est fort egale, sa conversation est pleine de charmes et si parfois e l l e a quelque ennui, i l n ' est apperceu de ceux qui l a voient que corne u ne petite langueur qui la rend plus aimab l e ou corne un petit nuage q u i rehausse l ' eclat de cet astre. Dans u n cœur de tillie elle renferme tout le courage des heros, aussi est-elle ti l l i e d' un heros et asseurement si c ' estoit le Regnc des Amazones elle en scro i t la Reine. Sur tout elle attaque les passions qu'il faut combattre et en triomphe. Et e l l e fuit celles q u ' on ne surmonte que par la fuitte et en emporte la victoire Et certes, si on pouvoit les lier toutes par d' autres chaines que celles de la grace divine, clic auroit assez de vertus naturelles pour les soubmettre à l ' empire de la raison tant elle est bien naivc et se peut venter d ' avoi r receu de Dieu cette ame natu­ rellement bone que le plus sage des Rois se glorifioit d ' avoir e u en partage. En un mot. Monseigneur, et pour ne pas faire d ' u n portrait e n petit un tableau en grand. on estimeroit Mademoi sell e de Nemours toute divine s i les resolutions qu'elle prend de faire tousjours les plus hcroiques actions et de practiquer l es vertus les plus emi n entes n 'estoient au dessus de la grandeur de son courage e t on sçait que tout e s t egal en D i e u . Permettez mo i , Monseigneur, d' authoriser mes senti ments par ceux de la Reine qui dit un jour à une grande dame de qui je l ' ai appri s que Mademoiselle de Nemours estoit pour son grands mcrite si cli gne du premier tronc du monde que, si elle n ' avoit eu une n iece qu'elle pretendoit y eslever, elle auroit choisi cette seule Princesse pour en faire l 'epouse du Roi son fi ls et la prerniere Rei ne de la terre. Pour notre évêque se livrer dans l ' art de composer des portraits est une distraction qui lui permet de dépasser les règles strictes et contraignantes qu' il doit respecter lorsqu' i l rédige ses sermons ou ses lettres pastorales. C' est en même temps un moyen de divertir ses correspondants et de leur rendre hommage. Mais cette fois-ci il ose trop. Ce texte fut très mal reçu à la cour: la du­ chesse avait sans doute j ugé mal à propos des compliments un peu poussés de la part de 1' évêque alors qu' elle était encore en deuil. Dans les lettres de cette période nous découvrons les états d ' âme les sen­ timents de Bailly. Profondément déçu de ! ' accueil négatif et des railleries que le portrait suscita à Turin il explose: Madame, Je suis au desespoi r et si Y.A . R . ne daigne me consoler ma douleur m' otera la vie. [ . . . ] Aprés cela. Madame, il faut lever l ' ec hele et ne plus ecrire. Mais p lustost, Madame. il ne faut plus vivre ( lettre 733). Dans une lettre du 23 septembre 1 675 (lettre 729), qui nous résume son activité de portraitiste, Bailly admet y avoir introduit des notations trop i ntimes ou personnelles, un peu galantes, et trouve des arguments pour se

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