La correspondance d'Albert Bailly Volume V Années 1654-1655 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Lettre 347 l 1 5 ainsi par une complaisance toute divine, une loy de nostre pante. De mesme, Madame, bien que par une grace singuliere, vous aiés bien voul u me faire l' honeur de recevoir, et de devenir maistresse de tout ce qui est en moy, V.A.R. souffrira bien pour contenter un peu mes desirs, que je face quelque petite part de mes tres respectueuses / (f03r) affections à deux de vos creatures. Aprés tout, Madame, il ne leur restera rien, car estant eux mesmes tout entierement à V.A.R. il faudra bien necessairement que I ' " accessoire suive le principal, et que ce que je prens la hardiesse de leur presenter soit meslé, et confondu avec le tout qu'ils vous donnent. Il faut , Madame, s ' i l vous plaist que vous me donniés encor' un moment d'audiance, et que vous me permettiés d' achever ma lettre par la reverie où je trouvei, et laissay Monseigneur l' Amoreti. Il me disoit donc, Madame, qu'il mourait à Paris, aprés qu'il voulait quitter le monde, et se faire religieux, puis qu ' i l irait bien tost en Piemont / (f03v) et sur cela, il montrait une excessive joye, mais retombant dans une profonde melancol ie, i l me tenoit d' autres discours qu i temoignoient ses peines interieures, et enfin prenant dans sa poche un portrait d' une admirable dame', en petit, il le contemplait, et disait tout bas, "Voilà mon unique consolation, et ce qui adoucit l ' amertume de mes ennuis ." Je suppli e tres humblement V.A . R . , Madame, de l uy commander à son retour, de vous produire cette belle peinture, et je m' asseure que vous serés d' accord avec luy, et avec moy, qu ' elle surpasse tout ce qu ' i l y a de plus achevé dans la nature, et que ce bon Abbé n'a pas mal choisi. Pour moy qui suis tres persuadé de sa vertu, et de l ' innocence de ses affections, je ne fais point de difficulté d ' y joindre les mienes, sans creindre d'en avoir moins pour V.A.R. ni cesser d'estre tout entier, et sans jamais me partager Madame de V.A.R. le tres humble, tres obeissant, et tres obligé sujet D. Albert Bailly. De Paris ce 1 8. may 1 654 ' +a+ 3 Nous ne sommes pas parvenues à dévoiler l ' identité de cette dame, dont i l est question également dans la con-espondance des années 1 656- 1 657.