La correspondance d'Albert Bailly Volume V Années 1654-1655 publiée sous la direction de Gianni Mombello

1 26 Correspondance d 'A. Bailly - 1 654- 1655 ne travail leroit pas bien tost à son accomodement. "Aprés cette campagne, me dit-elle, et non par devant. Il faut voir ce qui en arrivera." Elle profera ces mots avec un air enjoué, et un ton elevé, et me fit conoistre qu'elle avoitk fort peu de volonté de s ' accommoder.j Je ne la pressei pas davantage, conoissant sa delicatesse, et sa subti l i té car Madame, elle a un esprit admirable, et fort desfiant. Tout le reste se passa en; discours indifferants. Elle me questiona sur vostre enbonpoint, sur vos yeux, et sur la figure de vostre visage, disant qu ' on luy vouloit persuader qu ' e l le avoit l ' honeur de vous ressembler, sur tout des yeux, et du tour du visage. Je luy dis, sur cela, Madame, des choses que je n ' ose vous repeter, et qu ' on écoutait avec la passion dont V.A.R. me blame. / (f05v) Aprés elle se mit à me cajoller sur mon esprit, ne trouvant plus de matiere à se divertir qu ' à mes depens, et me dit pourquoy je m'estois fait rel igieux estant si propre pour servir les grands. Je luy dis que vostre bon exemple Madame, m' avoit converti, et parley si hautement de vos vertus, et de vostre devotion, que quelques dames me dirent aprés nostre entretien, que je leur avois fait grand plaisir de luy parler de votre pieté, car elle n ' en avoit pas de reste, non pas qu' elle ne soit ornée d' une vertu inviolable, mais qu ' e l le manquoit un peu aux exercices de la devotion, où V. A. R . estait continuellement. Sur le soir je pris congé d' elle, et luy presentant la croix d ' aventurines, que V.A.R. me fit l ' honeur de m' envoier par M. le chevalier Gontery'9, et voiant qu'elle s 'estoit rompue, et cassée en plusieurs endroits par les chemins, j e l uy dis que j e prevoiois que ses petites croix / (f06r) prendraient bien tost fin, puisque celle dont je pretendo i s les augmenter s' estoit brisée, et que Dieu ne voulait pas qu ' elle la portat. Elle la prit avec grande joye, et en réunissant toutes les pieces sur du cotton, elle commanda qu ' on l ' envoiat à Paris pour l a faire enchasser dans de l ' or, et qu ' el l e parerait merve i l leu­ sement sa ruelle. Elle retomba sur S.A.R. et me dit qu ' i l prenoit plaisir à bicler, et qu'i l falloit le gronder de ce qu ' il outrageait si inhumainement l a beauté de ses yeux , Madame, d' autres m' avoient des-ja fait le mesme discours. J e repondis que '" Le chevalier Paul Gonteri (?- 1 687) fut maître d'hôtel du duc d' Anjou et lieutenant du roi de France. cf. Corr. III, lett. 23 1 , p. 206, n . 35.

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