La correspondance d'Albert Bailly Volume V Années 1654-1655 publiée sous la direction de Gianni Mombello

1 54 Correspondance d 'A . Bailly - 1 654- 1655 Monsieur' le Chancelier qui est à present admirablement bien dans 1 ' esprit de Son Eminence, et particulierement dans celuy du Roy, me dit qu' i l tenoit ce mariage asseuré, non seulement pour la naissance, et le merite de nostre Princesse, ma i s principalement à cause q u ' i l n ' y avoit point d ' autre Princesse pour Sa Magesté que celle-ci, qu ' i l estoit bien vray que l e Roy de Portugal offroit / (f04r) sa fille7, avec six mi llions, mais qu'on n ' avo it garde d' ecouter cette propositi on pour les suittes que V.A.R. peut assés comprendre\ outre qu ' on avo i t remarqué dans l a peinture de cette Princesse, qu' elle avoit le nés un peu retroussé, et que cela faisoit creindre qu' elle ne fût camuse. Il me fit en suitte cent questions sur" le corps, le teint, la beauté, et l ' esprit de nostre° Princesse, et avec empressement. Madame, on l uy avoit fait cent mauvaises offices, les uns avoient asseuré / (f04v) qu'elle estoit bossue, les autres qu'elle estoit naine, qu' elle avoit les j ambes gastées, et blessées, et qu'enfin elle avoit le visage, et les bras tout velus9• Je le desabusei hautement et j ' avoue, Madame, que je me surprenois moi mesme de me trouver contre ma coutume si eloquent, et si adroit à faire l ' eloge de nostre Princesse. Ce à quoi j ' insistei principalement fut de lui dire que si l a Reyne, et Son Eminence, avoient veu cette Princesse, et bien penetré la doci lité / (f05r) et la bonté de son esprit nullement remuant, ni capable de brouiller l ' espri t du Roy, et de le porter à quelque changement/ ellesg n' attendroient pas qu ' on la leur accordat, elles la raviroient. Et pour précisait avoir été mis au courant de ces négociations par le pri nce Thomas ( s ur cette question, cf. la n. 16). Marguerite de Savoie finit par épouser en 1 660 Ranuce II Farnese, duc de Parme (I. IOR!, Genealogia sabauda. Bologna, Zanichelli., 1 942, p.82). 7 Sur les négociations pour le mariage du Roi de France avec l ' infante de Portugal, cf. gaz. 364. n. 8. En l 654, l ' infante de Portugal était Catherine de Bragance ( 1 638- 1 705) , fille du roi Jean IV; elle épousa en 1 662 Charles II Stuart, roi d' Angleterre (L. MORÉRI, op. cit., t. VIII, p. 505 ) . ' On écrivait entre autres que "La Regina aprehandeva grandissimamente d i rancontrare un umore disconfacente al suo" (A.S .T. , Lettere Ministri-Francia, m. 62, fasc. 3, lettre de V. Berro, l 0 juillet 1 654) . '1 Un portrait d e la princesse Marguerite avait été apporté en France par l ' ambassadrice Servient, q u i s ' était rendue dans le Piémont pendant l ' été 1 654 et donné au prince Thomas pour q u ' i l le montrât à l a cour; dans ce tableau, l a fille de la duchesse était habillée en sainte, mais quelque temps après le prince Thomas commanda à un peintre parisien de retoucher le portrait en modifiant le vêtement, car 'Tabito la faceva aparere storp i ata tanto era costretta" (ibid. , lettre du 30 aoû t 1 654) . On l i t souvent dans la correspondance de tous les agents de Savoie des appréciations (toujours flatteuses) du portrait de Marguerite.